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Navigation époustouflante sur Banque Populaire IX !

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C’est une opportunité qui se présente peu de fois dans la vie d’un journaliste nautique, celle d’embarquer sur un monstre volant : Banque Populaire IX. Un peu inquiet au vu des conditions météo attendues, à savoir un bon force 6, une houle d’ouest de trois mètres et le passage d’un front froid en début d’après-midi, je n’en mène pas large au moment de poser mes bottes sur le trampoline de cet Ultim de 32 mètres. D’autant que les bruits de ponton qui courent sur ce bateau ne sont pas très engageants… Il serait très difficile de se tenir dans les pointes de vitesse et les sensations à bord rendraient facilement malade. Le cérémonial du harnachement du gilet de sauvetage et les instructions du team insistant bien lourdement sur la position de sécurité à tenir une fois en mer finissent de me tétaniser. On va vraiment en prendre plein le ciré et une fois en mer, pas possible de faire demi-tour !

La pluie incessante depuis ce matin s’arrête, l’horizon se dégage, c’est le moment de larguer les amarres en douceur. Armel, d’un calme olympien, s’installe aux commandes et c’est parti pour la navigation qui s’annonce comme la plus folle de ma vie. Une fois passé la citadelle de Port-Louis, sous GV à deux ris nous prenons la passe sud à plus de 18 nœuds tout de même, cap sur le large. J2 déroulé, la machine à laver se met en route sans crier gare… Les mouvements du bateau sont terribles tandis que le speedomètre s’affole : 35, 38 puis 41 nœuds au compteur. L’intensité est maximum, la tension palpable même au sein de l’équipage, pourtant habitué à ces rodéos. La pression s’installe à bord comme une chape de plomb. Bien décidé à prendre quelques vidéos, je me rends vite compte que mes déplacements demandent des efforts incroyables. Il est pratiquement impossible de se mouvoir sans tomber sur les genoux, alors filmer d’une main se révèle un exercice de haute voltige. Ma tentative de vidéo, même après montage, illustre clairement l’impossibilité physique de faire des images correctes !

Seuls le barreur et les équipiers qui s’échinent sur les moulins à café pour régler les voiles et l’incidence des foils paraissent à peu près stabilisés. Après un effort qui me paraît surhumain, j’arrive enfin à me tenir au poste de barre, au plus près d’Armel Le Cléac’h qui, lui, est imperturbable avec son masque de ski sur le visage. Je lui demande s’il se rend compte de la folie de partir sur une telle machine en solitaire pour faire le tour du monde. Il me répond en souriant que l’on s’habitue à tout. Au vent, c’est la douche permanente ! J’ai peur de perdre mes lunettes et ma caméra étanche que je tiens fébrilement d’une main. Un coup de boutoir un peu plus violent que les autres achève de me mettre au sol, je m’accroche à l’un des membres du team qui, lui aussi, semble impacté par la rudesse des conditions de vie à bord. Je suis passé en mode survie, dépassé par la violence des mouvements du bateau… C’est avec un certain soulagement que j’aperçois la pointe ouest de Belle-Ile qui sonne la fin de ce bord de débridé de dingue. Sur une allure plus abattue, Banque Populaire IX redevient plus stable, même si nous sommes toujours à près de 25 nœuds… Moins d’une heure plus tard, je suis à quai au pied de la base sous-marine, hagard, rincé, azimuté. Pendant plusieurs jours, je sentirai les stigmates musculaires de cette sortie. Quand je pense au programme d’Armel sur ce trimaran brutalissime… Une chose est certaine, il n’aura pas une deuxième carrière en day-charter, à l’image de certains Orma !

Publié par  Paul Gury
Publié par Paul Gury
Journaliste, à Voile Mag depuis mai 2016. Tour de l’Atlantique entre copains, entraînements d’hiver et régates intensives en J/80, essais « 100 milles à bord » en toute saison, Paul prend la mer à toutes les occasions, sur toutes sortes de bateaux et par tous les temps. Spécialiste de l’équipement et souvent aux premières loges pour les reportages course au large, le plus waterproof de nos essayeurs !
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