Les gens

Souvenir de skipper : Isabelle Autissier

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Après Sir Robin Knox-Johnston, François Gabart,  Jean-Luc Van Den Heede ou encore Yves Le Blevec, c’est au tour d’Isabelle Autissier de confier un souvenir de jeunesse à notre collaborateur en ligne, Alain Tribord, auteur du blog Marine Plaisance.

Isabelle Autissier vient de terminer un périple de trois mois dans le sud du Groenland à bord de son voilier ADA2. Accompagnée par des alpinistes en quête de sommets escarpés, celle qui fut la première femme à réaliser un tour du monde à la voile – le Boc Challenge – en 1990, a pu constater les effets du réchauffement climatique en accédant à des criques censées être des glaciers. Isabelle est présidente du WWF France depuis 2009. Ses actions et interventions sont toutes guidées par le souci d’apporter sa contribution à la préservation de la planète, pour que l’humanité vive mieux.

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« Bretagne nord,  années 70, un Vaurien brillant de ses sept couches de vernis dont je suis capitaine à 13 ans. Un matin, frais et cru comme sait les concocter la Bretagne nord, nous obtenons le droit de partir piqueniquer, avec ma meilleure amie. Seule règle : ne pas sortir de la baie. Mais l’interdit n’existe que pour être bravé, nous voilà donc piquant au large. La brise bien établie, le bateau caracole et rien ne nous empêche de viser le cap Fréhel, loin de la baie protectrice.

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Dans notre enthousiasme, nous n’avons pas intégré une donnée que nous avons pourtant régulièrement observée : à l’approche du soir, le vent tombe. Nous voilà donc en train de traînailler sur la route du retour. C’est sûr, nous allons être en retard pour le dîner familial. Nous nous escrimons sur les réglages : un peu de mou sur l’écoute de foc, une grand-voile à peine vrillée pour récupérer le moindre souffle, toutes deux installées à la gîte, presque couchées pour ne pas faire obstacle au vent…

– Hé ! On recule ! Zut, le courant !

SNAG-528Un léger souffle enfin se lève, venant de la terre, comme toutes les nuits d’été. C’est une meilleure allure pour le bateau qui semble s’éveiller et trotter à nouveau gaillardement vers le rivage. Enfin, la plage se précise. Dans un léger raclement, la coque s’immobilise et nous sautons à terre. Quatre silhouettes se précipitent à notre rencontre : deux papas et deux mamans …
– Ha ! Quand même, où étiez-vous passées ?

Le ton est plus moqueur que grondeur. Ces adultes ont foi en leurs enfants, savent que l’expérience ne s’acquière qu’au prix de déconvenues. Ils sont allés munis de jumelles à la pointe de la baie, ont repéré la petite voile immobile, ont pris le temps de dîner en riant de nos mésaventures, puis se sont tranquillement dirigés vers la plage. Ni cris ni larmes ni coup de fil angoissés aux gendarmes, leurs filles sont des marins, ils les ont éduquées ainsi. Mais un interdit a été franchi, cela demande réparation.

– Demain les filles, interdiction de naviguer … avant d’avoir fini les exercices de calculs de courant que je vais vous donner !»

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 Ainsi allait la vie, il y a bien longtemps, d’une enfant qui fit le tour du monde. »

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