Régates et courses

Route du Rhum : Joyon au bout de la nuit

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retrouvaille sur le ponton entre Francis Joyon et Gabart

Pour ses quarante ans, la Route du Rhum s’offre un final digne de la première édition et consacre un marin d’exception : Francis Joyon . Le Roc de Locmariaquer n’a rien lâché. Remarquable de lucidité dans les petits airs sous le vent de la Guadeloupe, il a été récompensé en toute fin de parcours et signe une victoire qui restera dans les annales.

Que dire au terme de cette folle nuit guadeloupéenne ? Que Macif n’était pas si intouchable que cela, même avec 110 milles d’avance à 24 heures de l’arrivée ? Peut-être, et tant mieux si nous nous sommes trompés ! Qu’on tient enfin cette arrivée à grand suspense dont on rêvait depuis 1978 ? Sans doute.

On se dit aussi qu’au final, chacun des deux marins a ce qui lui manquait. Pour Francis Joyon, 62 ans, une victoire convoitée au fil de sept participations. Pour François Gabart, une défaite, ou plutôt un revers qui faisait défaut à son prodigieux parcours. Gageons que le goût, forcément amer, de cette deuxième place donnera plus de saveur à ses victoires futures car à 35 ans, François Gabart a tout le temps de remporter la Route du Rhum en multicoque, après l’avoir gagnée en IMOCA (2014).

Mais revenons sur cette folle nuit. Que s’est-il passé ? D’abord, Idec Sport a régulièrement grignoté l’avance de son concurrent. Francis Joyon ne fait qu’un avec ce prodigieux multicoque, désormais triple vainqueur du Rhum (sous les noms de Groupama 3, Banque Populaire VII et Idec Sport), sur lequel il a engrangé tous les records possibles en solo comme en équipage. Il le mène à la perfection, au maximum de son potentiel théorique et souvent au-delà. Côté Macif en revanche, le bateau n’est plus au maximum de son potentiel depuis la perte du foil tribord, suivie de la casse du safran bâbord; des avaries sur lesquelles l’équipe n’a communiqué qu’en toute fin de parcours.

Des milles récupérés à la régulière

Ces milles récupérés « à la régulière », en vitesse pure, ont permis à Francis Joyon d’aborder la Guadeloupe avec seulement 20 milles de retard. Ensuite, la partie s’est jouée dans le dévent de la Guadeloupe, c’est-à-dire dans une mistoufle qui a mis les nerfs des deux marins à rude épreuve. Macif est resté longtemps englué non loin de Basse-Terre, tandis qu’Idec se déhalait et se rapprochait encore. On peut penser que l’expérience de Francis Joyon, qui vit cette arrivée sous le vent de la Guadeloupe pour la septième fois, a joué à plein – même si François Gabart connaît un peu la chanson aussi !

Joyon a l’expérience

En tout cas, il a réussi à trouver une trajectoire plus tendue, sans jamais rester complètement encalminé. Et c’est dans le canal des Saintes, en restant plus proche de la côte et de la route directe, qu’il a pris la tête pour ne plus la lâcher malgré une ultime bataille d’empannages à quelques encablures de la ligne ! Fabuleux finish. Et superbes images, à terre, de ces coureurs au visage profondément marqué qui prennent la parole pour dire leur respect et leur admiration mutuelle. On retiendra l’élégance de François Gabart, qui a su trouver les mots justes, le bonheur contenu d’un Francis Joyon qui exultait avec sa pudeur familière… C’est l’autre leçon du Rhum 2018 : ces marins ont tout simplement la classe.

Publié par  François-Xavier de Crécy
Publié par François-Xavier de Crécy
journaliste à Voile Mag depuis 2003. Des régates en JOD 35, un tour de l’Atlantique en couple, et déjà une quinzaine d’années à courir d’essai en comparatif pour produire votre Voile Magazine mensuel ! A appris le métier sous la férule des Rubi et consort avant d’essayer de le transmettre à d’autres.
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