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IMOCA : l'analyse de Charlie Dalin

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La classe IMOCA continue à donner la parole à des skippers, qui, s’ils sont restés à terre, suivent la Route du Rhum de très près. Aujourd’hui, nous partageons avec vous l’analyse de Charlie Dalin qui confirme l’impression laissée par l’arrivée des Ultimes : dans la Route du Rhum, rien n’est joué avant le dernier bord !

« Les quatre premiers sont aujourd’hui les seuls à naviguer au portant dans le Sud de l’anticyclone. Ils ont l’air d’avoir pas mal de grains. On le voit sur leurs vidéos et les images satellites, mais aussi en observant leurs trajectoires qui ne sont pas régulières. Comme souvent, l’alizé semble assez instable en force et en direction. Alex, Paul, Vincent et Yann ont beaucoup de travail à bord. Ce n’est pas de la glisse facile, il faut régulièrement ajuster les trajectoires et changer les réglages.

Trouver le bon compromis spi/gennaker

Ce n’est pas évident car ils naviguent dans des forces de vent où ils peuvent a priori faire du spi mais aussi s’en sortir sous gennaker en lofant un peu. Il faut trouver le bon compromis dans cet entre-deux. Le spi est une voile précieuse qui permet de glisser assez bas et de prévoir moins de bords de recalage. Mais c’est aussi une voile fragile qui peut se déchirer assez facilement. Sous spi en IMOCA, il faut beaucoup barrer pour prendre les surfs et bien relancer le bateau. Sous gennaker, le bateau ne ralentit plus, il est sur des rails et le pilote fait bien le boulot. On va vite en pouvant se reposer. Mais les angles de route sont plus lofés. Dans les jours à venir, l’alizé va bien forcir et je pense que les leaders ne se poseront plus la question et passeront tous sous gennak, car au-delà de 22 nœuds de vent on remballe le spi.

Alex Thomson est idéalement placé pour la suite des événements

Alex Thomson est souvent plus rapide que ses poursuivants, Hugo Boss accélère vraiment fort dans un mode un peu lofé. Alex est idéalement placé pour la suite des événements. D’ici à l’arrivée en Guadeloupe, le vent va prendre entre 30 et 40 degrés de rotation vers la droite. Alex est bien placé par rapport à cette bascule. Même si en théorie il profite d’un vent un peu moins fort et régulier que ses concurrents plus au Sud, il sera très difficile à doubler. Il semble avoir le contrôle de la situation. Il va essayer de préserver sa position et d’empanner en même temps que les autres. Les premiers devraient arriver entre le 15 et le 16 novembre. Il leur reste donc encore quatre à cinq jours de mer, la bataille va faire rage.

On a une nouvelle fois pu observer que les 48 premières heures de course sont primordiales, même à l’échelle d’une transat car ça part souvent par devant. La dépression de la première nuit a énormément redistribué les cartes. Paul Meilhat a parfaitement négocié cette première difficulté et aujourd’hui on le retrouve aux avant-postes. Paul a très bien navigué depuis le début, il dispose d’un bateau polyvalent, ce qui semble intéressant sur cette Route du Rhum. C’est vraiment surprenant que Vincent Riou, dans des conditions où il était sur le papier plus rapide que Paul, se soit fait autant décrocher. On verra à l’arrivée ce qu’il dévoilera. Soit il a cassé quelque chose, soit il a dû ralentir pour réparer et est désormais de retour avec tout son potentiel. Pour la suite de la course, il n’y aura plus de bord de reaching (vent de travers). Les leaders naviguent à une allure où il est plus difficile de voir les différences entre foilers et non foilers.

Boris Herrmann a fait le bon choix

Etant donné qu’il était décalé dans l’Ouest, et que la dorsale a gonflé, la porte des alizés était vraiment fermée pour Boris Herrmann. Même si cela n’était pas simple mentalement, il n’avait pas vraiment d’autre option que de retirer un bord vers le Nord-Ouest et de repartir pour du près dans du vent fort. S’il continuait vers le Sud il allait droit dans le mur. Il a fait le bon choix. Il va bientôt pouvoir se retrouver du bon côté de l’anticyclone et va se recaler derrière les quatre premiers, mais bien devant les bateaux de l’Est. Boris se débrouille bien pour sa première transat en solitaire. Sur mes routages, je le vois arriver un peu moins de 24 heures après le premier groupe. Pour le groupe plus à l’Est, la porte s’est refermée juste derrière Yann Eliès. Le groupe emmené par Stéphane Le Diraison et Alan Roura se bagarre dans la dorsale depuis la latitude de Madère. Stéphane et Alan sont toujours au Nord de la dorsale, ils ne sont pas encore au vent de la bouée. Ils ont pris beaucoup de retard par rapport aux premiers et l’écart va continuer à augmenter. Mais la dorsale se résorbe doucement, ce soir ils devraient toucher 15-20 nœuds de vent de Nord et retrouver des vitesses intéressantes.

Les concurrents qui se sont arrêtés pour des soucis techniques commencent à repartir. Ca ne doit pas être évident de revenir en course loin derrière les autres. Mais ceux qui le peuvent techniquement ont raison de reprendre la mer. La Route du Rhum est la course la plus importante de l’année sur le circuit IMOCA. Ils ont l’opportunité de profiter de belles journées de portant. Il faut faire des milles sur ces bateaux. Partir longtemps au large est le meilleur moyen d’appréhender un IMOCA. »

Charlie Dalin

Publié par  François-Xavier de Crécy
Publié par François-Xavier de Crécy
journaliste à Voile Mag depuis 2003. Des régates en JOD 35, un tour de l’Atlantique en couple, et déjà une quinzaine d’années à courir d’essai en comparatif pour produire votre Voile Magazine mensuel ! A appris le métier sous la férule des Rubi et consort avant d’essayer de le transmettre à d’autres.
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