Les chantiers

LITE XP : Petite bombe, vaste programme

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Le Lite XP n’a pas seulement une ligne séduisante. Il est aussi léger, avec l’ambition d’être performant, sous voiles et à l’aviron. Un bateau qui a évolué au gré des aventures de son concepteur.

L’histoire de ce nouveau voile-aviron est intimement liée à celle de son concepteur. Mathieu Bonnier est un grand sportif, tendance aventurier. Il aime autant tutoyer les sommets enneigés à pied ou à skis que découvrir les rivages à l’aviron. Après avoir traversé l’Atlantique à la rame en 2009 – et accessoirement fini deuxième de la course Bouvet Rames-Guyane –, Mathieu se lance, l’année suivante, un tout autre défi: le passage du Nord-Ouest, toujours à la rame.

En passant au travers de ce dédale glacé sur un bateau dessiné pour l’occasion par l’architecte Sam Manuard, il enregistre un record « du Nord ». Il devint ainsi le premier homme à s’y aventurer en solo sur une si petite embarcation. Pourtant, Mathieu Bonnier ne cherche pas vraiment l’exploit labellisé. C’est plutôt l’exploration des horizons inconnus, autant naturels que personnels, qui semble le guider. Reste qu’après avoir ramé, littéralement, toutes ces années, il a pu affiner le cahier des charges de son bateau d’aviron idéal.

Lite XP grandvoile
La grand-voile à corn North Sail de Lite XP n’a pas de bôme mais une latte de bordure.

L’idée germe alors de construire un bateau plus léger, plus rigide, plus sportif que ceux qui existent sur le marché. Il s’inspire notamment des matériaux et des techniques de construction des voiliers de course au large. Pour le coup de crayon, ce sera Sam Manuard, à qui l’on doit notamment les plans des Seascape pour les bateaux de série et des protos pour la Mini-Transat ou encore des plans de Class 40.

Pour le chantier, après avoir tenté la production à l’étranger afin de contenir les coûts, il se tourne finalement vers le chantier JPS Production pour la qualité. A La Trinité, la technique d’infusion sous vide est peaufinée.

Race to Alaska : no motor, no support

Plus de quatre-vingts Liteboat sont vendus à destination des débutants comme des rameurs confirmés. Mathieu Bonnier décide donc de créer son propre chantier. Ce sera à Pontcharra, en Isère, non loin de Chambéry. En 2017, ce sont 250 unités de sa gamme de sept modèles – bateaux d’entraînement, de mer, de rivière, simples ou collectifs… – qui sont construits et vendus, notamment à l’international et surtout aux Etats-Unis.

Une autre aventure fera évoluer les Liteboat vers l’univers de la voile. Après quelques années au « vert », Mathieu Bonnier a des fourmis dans les bras, les jambes qui le démangent et la furieuse envie de se dépasser. Il décide de participer à la deuxième édition de la Race to Alaska. Une course singulière avec des règles simples : « No motor, no support » (pas de moteur ni d’assistance). C’est donc un terrain de jeu et de création pour les participants qui se creusent la tête pour trouver une alternative à la propulsion thermique. Une flotte hétérogène – des voiliers assistés de rames ou de pédales, mais aussi des paddles – s’élance sur ce parcours de 750 milles de Port Townsend (Washington) à Ketchikan, en Alaska donc.

Lite XP Race to Alaska
C’est sur ce prototype avec flotteurs que Matthieu Bonnier a réalisé la Race to Alaska.

Avec l’aide toujours avisée de Sam Manuard, Mathieu Bonnier adapte son aviron de mer pour cette course. Il ajoute une voile de 5m2 pour assister ses efforts si le vent est porteur sans faire de compromis sur le cap route, à la différence d’un voilier pur. Pour la stabilité, il ajoute deux flotteurs tenus par deux bras de liaison. Pour le confort (sommaire), il dispose d’une petite plateforme. Ce trimaran, pensé pour l’aventure dans les eaux américaines, est devenu le point de départ du XP, ce nouveau voile-aviron qui se veut simple, intuitif et sportif.

Exit les bras de liaison et les flotteurs

Depuis ce premier prototype, le désormais Lite XP a bien évolué. Les matériaux et le procédé de construction restent les mêmes pour que sa gamme d’avirons : il est construit en sandwich et infusion sous vide pour assurer à la fois un gain de poids et une bonne rigidité de l’ensemble. Pour le reste, exit les bras de liaison et les flotteurs. Après avoir hésité entre trimaran et monocoque, ce sera un mono. Sam Manuard a dessiné une coque plus large, avec une dérive lestée pour la stabilité. C’est sur les rivages du lac du Bourget que nous nous apprêtons à vérifier ce programme.

Lite XP mise à l'eau
Le Lite XP est au gabarit routier, et son poids plume permet de le tracter sans permis. La mise à l’eau est ultra simple, tous les plans d’eau sont à portée d’étrave (et de remorque).

En matière de mise en œuvre, le pari est plus que réussi. Les deux parties du mât carbone de Lite XP s’emboîtent aisément, la drisse de grand-voile est passée dans la poulie en tête de mât, celle du gennaker dans l’anneau et le mât ainsi gréé est enfin inséré dans son étambrai.

Vingt petites minutes pour gréer le Lite XP

Une fois le Lite XP mis à l’eau, nous gréons la grand-voile en prenant soin de ne pas nous emmêler les drisses et en accompagnant le guindant dans la ralingue. Il faut ensuite frapper le palan d’écoute de grand-voile sur le point d’écoute puis sur la patte-d’oie qui fait office de chariot textile. On passe ensuite l’écoute dans les deux poulies pour qu’elle revienne dans la tourelle, à portée de main du barreur. L’ensemble barre et safran basculant, signé RS Sailing, est très intuitif et s’installe en un tournemain grâce à un système d’aiguillot et de fémelot que l’on voit sur la plupart des dériveurs.

Synchronisation des montres : il nous a fallu une petite vingtaine de minutes pour réaliser ces opérations, prise de vue comprise ! Pour ramer, les deux avirons sont calés dans leur dame de nage respective. La planche de pieds se glisse dans l’un des trois niveaux à adapter en fonction de la taille du rameur. Quant à la coulisse, l’assise du rameur sur roulettes, elle se pose sur les gouttières intégrées du cockpit et s’enlève quand la voile prend le relais.

Aujourd’hui, il n’y a pas l’ombre d’une risée sur le lac du Bourget. Un vrai miroir. Alors c’est à l’aviron que nous découvrons ces rivages bordés du massif alpin. Mathieu m’initie à l’art de ramer carré – la pelle de l’aviron plantée perpendiculairement à la surface de l’eau. Instinctivement, on tire avec les bras quand il s’agit, en fait, de pousser sur les jambes. Il faut un moment pour synchroniser pelles-jambes-bras. Une chorégraphie élégante quand elle est parfaitement maîtrisée.

La stabilité très rassurante du Lite XP

A défaut de grâce, nous parvenons rapidement à faire avancer le bateau. A l’horizon, les rares voiliers sont englués quand nous tenons une honorable moyenne de 2-3 nœuds (si un coup de pelle maladroit ne provoque pas l’arrêt brutal du Lite XP !). La coulisse roule parfaitement dans la gouttière mais elle génère un léger grincement. Un détail sonore qui se réglera facilement. Celui ou celle qui ne rame pas se cale bien au centre du bateau, pourquoi pas dans la largeur du cockpit, le tout étant de bien répartir les poids. D’ailleurs, les déplacements se font sans risque : la stabilité du bateau est vraiment assurée.

Lite XP Stockohlm
L’archipel de Stockholm a été le terrain de jeu estival des premiers bords sous voiles.

Nous tentons de rejoindre les risées qui s’évanouissent aussitôt l’étrave pointée. Mirages de voileux ? Reste que le plan de pont est très bien pensé et d’une simplicité exemplaire. Sur le rouf, quatre pontets guident les bouts sur quatre taquets coinceurs. Un piano minimaliste : drisses de grand-voile et de gennaker de part et d’autre de la « descente », puis cunningham et point d’amure du gennaker en parallèle. Sur la grand-voile, pas d’oeillets sur la bande de ris mais un zip qui permettra, une fois le ris pris, de maintenir la voile proprement enroulée.

Le Lite XP, idéal pour le camping côtier

Et on peut s’imaginer réaliser du camping côtier à bord de ce Lite XP. La petite cabine dispose d’un bel espace. Sous les planchers, il y a suffisamment de volume pour stocker le matériel du bivouac, les sacs ou le gennaker. Et sur les planchers, on peut même dormir à deux en s’équipant d’un petit matelas d’appoint.

Justement, Mathieu et sa femme ont mis à l’eau leur voile-aviron en Suède pour naviguer dans le dédale de l’archipel de Stockholm, en profitant du faible tirant d’eau (0,14-1,07 m) et du couple voile-aviron pour réaliser un raid côtier, en dehors des « sentiers » de la plaisance. Il avait même confectionné une tente pour abriter le cockpit et y entreposer des affaires, à l’abri de l’humidité et de la rosée.

Lite X tente
Une tente sur mesure pour peaufiner le programme de camping côtier, comme ici, quelque part en Suède.

Pour l’heure, le système n’est pas encore commercialisé. Mais chacun peut essayer d’adapter une tente igloo à ce cockpit… Si nous n’avons pas pu vérifier l’ambition de performances sous voiles, nous pouvons confirmer celles de la mise en œuvre aussi facile qu’instinctive. Ce bateau semble être le compagnon idéal pour découvrir les côtes inaccessibles et aller où bon vous semble, avec ou sans l’aide d’Eole.

Quant à sa vélocité sous voiles et à son plaisir de barre, nous aurons eu l’occasion d’en juger à La Rochelle, où il a défendu son programme singulier au cours de l’élection du Voilier de l’année (voir VM n°265). En tout cas, avec sa ligne séduisante et son programme ambitieux, le Lite XP donne envie de tout quitter pour aller se balader.

Publié par Sidonie Sigrist
Arrivée en août 2015 à la rédaction de Voile Mag, Sidonie y a passé trois ans. Qu’il s’agisse d’essais, de régates ou de croisières, elle privilégie toujours l’humain et l’expérience vécue. Elle a aussi beaucoup œuvré au développement de Voile Mag sur les réseaux sociaux.
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