Régates et courses

Naumachies volantes en GC 32 sur le lac de Garde

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Pour la toute première fois, un Mondial GC 32 (catamaran monotype à foils), réunissant les concurrents du GC 32 Tour et des Extreme Sailing Series était organisé sous l’égide de la puissante World Sailing Association ou ISAF. Treize équipages au niveau impressionnant, pour certains présents sur la dernière Coupe de l’America, se sont affrontés pendant quatre jours (du 23 au 27 mai) en Italie du Nord sur le somptueux lac de Garde. Parmi les stars présentes sur ce plan d’eau difficile à lire même pour les meilleurs barreurs et tacticiens du monde, on pouvait croiser Glenn Ashby sur Team Tilt, vainqueur de la dernière America’s Cup avec Emirates Team New Zealand, Ernesto Bertarelli à la barre d’Alinghi (détenteur lui aussi de l’aiguière d’argent en 2003) ou encore notre Franck Cammas national à bord de Norauto accompagné de son équipage de choc du Team France (Olivier Herledant, Arnaud Jarlegan, Matthieu Vandame et Devan Le Bihan).
Convié à participer en tant que spectateur à la deuxième journée de course de ce championnat du Monde, je n’ai pas boudé mon plaisir : celui d’approcher le gratin de la voile mondiale avec, en prime, un embarquement sur ce petit foiler de 970 kg pour un run de vitesse inoubliable.

Mondial GC32
Au reaching, les GC 32 peuvent atteindre des vitesses de l’ordre de 35-40 nœuds… Rappel obligatoire pour l’équipage !

Après un briefing skippers rondement mené, un avenant retardait la première course d’une petite heure, histoire de laisser le temps à l’ora (le vent du sud local) de s’établir. L’occasion pour Voile Magazine d’assister de près aux préparatifs de cette journée décisive (le comité souhaitant lancer cinq manches pour rattraper la première journée un peu gâchée par une brise aux abonnés absents) mais aussi de suivre la réunion tactique du jour à bord de Norauto. En conclusion : une remontée au près obligatoire à droite du plan d’eau pour toucher plus de pression, de l’adonnante sur le haut du parcours et des oscillations de vent à ne pas louper lors des descentes. Mais le temps passant à toute vitesse, déjà les premiers équipages sortent à la queue leu leu de la petite marina de Riva del Garde, bien aidés par des pneumatiques attentifs à la manœuvre. Sous J1 (le grand foc) et grand-voile, les GC 32 s’entraînent au virement de bord tandis que s’organisent ici et là quelques essais de vitesse au contact d’autres concurrents. A quelques minutes du « run de vitesse », j’embarque avec le sourire sur Norauto en me calant sagement devant la poutre directement sur le trampoline. Cet échauffement chronométré sur un parcours réduit à un simple aller-retour au travers ayant pour but de tester la vitesse des GC 32 et de prendre quelques marques en vue des courses à venir ! 20, 22 puis 25 nœuds s’affichent au speedomètre tandis que la nacelle se lève sur ses foils dans un bruit strident d’avion au décollage… De quoi se faire peur si l’on maîtrise mal l’engin mais à la barre et sur les flotteurs, la sérénité de l’équipage est carrément rassurante. Dans un bon force 3, suspendus au-dessus de l’eau, les sensations grisantes de vitesse s’additionnent aux paquets d’eau douce (l’avantage de naviguer sur un lac) reçus en pleine figure pour créer les conditions d’un ballet volant spectaculaire. De quoi avaler sa chique et perdre la notion du temps et de l’espace : Quoi c’est déjà fini ? J’ai pourtant tout essayé pour rester à bord, me faisant tout petit mais la sécurité de l’événement primait sur le plaisir du journaliste !

Départ lors du mondial GC32
Au mondial GC 32 sur le lac de Garde, les départs se font au travers et au contact : c’est très chaud !

De retour sur le pneumatique réservé à la presse, nous assistons dans le foulée aux cinq manches lancées dans un vent de plus en plus fort. Le combat sur la ligne de départ est toujours impressionnant : légèrement en retrait dans la minute, les équipages lancent soudainement les chevaux en abattant en grand vers la première marque de parcours, mouillée perpendiculaire au vent. Tous les catamarans se mettent alors à voler dans un bruit ahurissant de carbone sous pression, avec juste parfois quelques dizaines de centimètres entre chaque concurrent. Le premier arrivé prenant au passage un sérieux avantage pour le reste de la manche, avant de partir pleine balle sous gennaker à la recherche de la porte sous le vent. Ce passage s’avérant potentiellement dangereux puisqu’il coïncide avec le moment de regroupement de la flotte déboulant au portant à pleine vitesse… Telles des libellules un peu maladroites, ces voiliers n’ont de cesse de voler-atterrir-voler, ceux maîtrisant le mieux les phases de vol s’adjugeant un avantage considérable. La maîtrise des foils – le réglage du rake et de la verticalité -, des plans porteurs sur les safrans mais également de l’assiette s’avérant primordiale pour remporter une manche. Sans oublier les coups tactiques, la rapidité des manœuvres et la gestion des trajectoires sur des parcours d’une bonne vingtaine de minutes qui demandent aux équipages une intensité musculaire incroyable… Après une dernière manche qui verra la belle victoire de Norauto suite à un bord de portant d’anthologie pratiquement toujours en vol, le comité de course sifflait la fin de la récré pour ces équipages au bord de la rupture physique. De retour au port, la journée ne se termine pas pour autant puisqu’il faut réparer, améliorer ou encore fiabiliser ces petits foilers très gourmands en entretien. « En définitive, il faut compter autant d’heures de maintenance que de compétition » me confiera Olivier Mainguy, membre de l’équipe à terre en charge du gréement. De l’exigence, encore de l’exigence, toujours de l’exigence pour faire tourner à plein régime ce support de l’extrême !

Franck Cammas et Yoann Bibeau au Mondial GC32
Franck Cammas et Yoann Bibeau réalisent un peu de « strat » sur le foil tribord endommagé pendant la course. (Crédit Paul Gury).

Classement général (13 courses) : Team Tilt (SUI,Sébastien Schneiter, 60 pts); SAP Extreme Sailing Team (DEN, Rasmus Køstner, 68 pts); Oman Air (OMA, Phil Robertson, 79 pts);  Alinghi (SUI, Ernesto Bertarelli, 88 pts); INEOS Rebels UK (GBR, Will Alloway, 88 pts)NORAUTO (FRAFranck Cammas, 94 pts); Red Bull Sailing Team (AUT, Roman Hagara, 111 pts); Realteam (SUI, Jérôme Clerc, 129 pts); Argo (USA, Jason Carroll, 129 pts); Frank Racing (NZL,Simon Hull, 135 pts); Zoulou (FRA, Erik Maris, 135 pts); Team México (MEX, Erik Brokmann, 172 pts); .film Racing (NZL, Simon Delzoppo, 179 pts).

Publié par  Paul Gury
Publié par Paul Gury
Journaliste, à Voile Mag depuis mai 2016. Tour de l’Atlantique entre copains, entraînements d’hiver et régates intensives en J/80, essais « 100 milles à bord » en toute saison, Paul prend la mer à toutes les occasions, sur toutes sortes de bateaux et par tous les temps. Spécialiste de l’équipement et souvent aux premières loges pour les reportages course au large, le plus waterproof de nos essayeurs !
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