Sur leur existence, silence complet. Comme si l’on faisait tout pour les laisser dans l’ombre. Un comble ! Pourtant, ces phares bretons existent bien si ce n’est qu’ils ont été construits au milieu des terres par des bâtisseurs anonymes. C’est mon ami paimpolais, François-Jouas Poutrel, l’ancien gardien de phare des Roches Douvres, qui m’a servi de guide dans cette sorte d’inventaire non exhaustif, prétexte à vérifier que « ces phares de terre » imposent le respect.
Honneur au plus imposant d’entre eux, 17,50 m de hauteur, 4,20 m de diamètre, construit par David Riou, 36 ans, au milieu de la cour de sa ferme à Plouvorn, là où il élève les porcs comme le faisait déjà son père.
Passionné de phares ? Pas vraiment. Son truc à lui, c’est le travail des vieilles pierres, celles qu’il a accumulées – 125 tonnes – depuis des décennies dans les champs avoisinant, dans les vieilles granges, et qu’il a décidé d’assembler durant ses week-ends, au terme de 1 500 heures de travail. La mer, il a tout le loisir d’y porter son regard par beau temps. Depuis 2011, il lui suffit de gravir les 52 marches pour découvrir, à l’heure de l’apéro, la baie de Carantec, voire l’île de Batz.
« Au début, avoue-t-il, on m’a pris pour un fou. On pensait que j’abandonnerais en cours de route. » C’était mal le connaître. La passion qu’il voue aux vieilles pierres est inaltérable. Dès l’âge de 15 ans, il avait déjà construit un mur chez ses parents.
A Saint-Quay Portrieux, au 4, rue du Chatelet, Jean-Marie Huon de Penanster, ancien pilote de ligne de la Britair, n’a pas eu le bonheur de découvrir son phare dont la construction a débuté en 2012. Il est décédé en mai 2013. Mais son épouse a poursuivi son œuvre. C’est désormais depuis 2015 un phare haut de 15 mètres, qui s’éclaire la nuit derrière le portail de sa grande maison. Par sa silhouette, il évoque la tour d’Armen, par ses encorbellements, Cordouan.
Pourquoi ce phare ? Au départ, Jean-Marie Huon de Penanster souhaitait faire construire une maison dont le dessin évoquerait un navire en raison d’un terrain long et étroit. Le permis de construire lui fut refusé, d’où cette belle construction en granit dont la lanterne en cuivre a été confiée aux artisans de Villedieu-les-Poêles.
Autre lieu, le lieu-dit Coz-Castel, sur la commune de Ploubazlanec, autre phare dont la silhouette évoque celui de la pointe de Saint-Mathieu. Ancien garagiste, aujourd’hui transporteur, Bernard Le tacon a utilisé deux anciens présentoirs de garage pour édifier la base prolongée au niveau du tronc par un gros tube de PVC, le tout surmonté d’une lampe de tracteur qu’il programme la nuit. Haut de 3 mètres, il est entouré de mouettes achetées dans un magasin de déco et d’un vieux canot récupéré dans le Finistère. Bernard avoue qu’il aurait pu tout aussi bien construire un moulin. Mais un phare, ça sort de l’ordinaire. Et puis, ajoute-t-il, la mer n’est pas loin.
Le Trieux, à 2 kilomètres. Très proche de la mer, sur la commune de Louannec, c’est la réplique du phare des Heaux de Bréhat qui fait office de rond-point. Haut de 3 mètres, construit à l’initiative de la commune, il cohabite avec un autre phare, un vrai celui-là, la maison phare de Nantouar, désormais propriété d’un particulier.