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Taxer le mouillage forain ??

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MouillageIl ne nous paraît pas choquant que les plaisanciers contribuent à la conservation du littoral et de l’environnement. Mais de là à faire n’importe quoi… Le 22 janvier dernier, le Sénat a voté un amendement permettant d’instituer une redevance sur les mouillages dans les aires marines protégées. Si cet amendement est confirmé par l’Assemblée lors du vote de la loi (voir plus loin), tout navire au mouillage – y compris sur son ancre – pourra être taxé au bénéfice des collectivités gestionnaires des aires marines protégées entre le 1er juin et le 30 septembre, et toute l’année dans les DOM-TOM…

Cette taxe sera calculée en fonction de la durée du mouillage et de la longueur du bateau et ne pourra excéder 20 euros par mètre par jour (!!). Elle pourrait être mise en place dés la mi-juillet 2015.
Il va sans dire que ce projet de loi fait froid dans le dos. D’abord parce qu’il remet en cause le principe de gratuité d’accès aux domaines publics naturels. Ensuite parce que, partant d’une situation particulière dans les Bouches de Bonifacio, il étend une mesure brutale à toutes les aires marines protégées telles que définies par l’article L.334-1 du Code de l’Environnement, soit à ce jour 23,6% des eaux métropolitaines (88 000 km2 de zones côtières). Enfin parce que le plafond fixé par la loi, 20 € par mètre et par jour, ressemble à une mauvaise blague. Quel propriétaire d’un bateau de dix mètres va mouiller une nuit aux Lavezzi pour la modique somme de 200 € ? Au final, ce texte apparaît bâclé, discriminatoire et inapplicable. C’est d’autant plus absurde qu’il existe un vrai problème de financement des aires marines protégées, auquel les plaisanciers pourraient effectivement contribuer, comme ils contribuent largement au budget du Conservatoire du Littoral via la taxe de francisation. Mais à condition que ce soit en échange d’un service, par exemple un corps-mort qui a aussi l’avantage de sécuriser et limiter le mouillage tout en épargnant le fonds, et évidemment sur la base de montants raisonnables. L’Union nationale des associations de navigateurs (Unan), la Fédération des industries nautiques (FIN) et la Fédération française des ports de plaisance (FFPP) font front commun, ils ont écrit au ministre et envoyé une motion aux députés. Mais tout cela se fait dans l’urgence, car le texte doit passer à l’Assemblée les 17 et 18 février, en procédure accélérée (vote à un seul tour). Le Conseil supérieur de la navigation de plaisance étant en état de mort clinique depuis la démission de Gérard d’Aboville – qui n’a toujours pas été remplacé -, personne n’a été informé de ce qui se tramait et les instances citées plus haut n’ont eu connaissance du projet de loi qu’après le vote du Sénat. Trop tard ? Peut-être. Une pétition a été lancée par l’Association nationale des plaisanciers motonautiques et il n’est pas interdit d’y apporter sa signature, même si on préfère les écoutes aux manettes de gaz. Mais au vu du calendrier parlementaire, l’heure est plutôt au lobbying d’urgence.

Mouillage Corse 2

Ajoutons que cet amendement répond à une demande faite en 2009 par l’Assemblée territoriale de Corse, demande motivée par la taxation du mouillage dans l’archipel de la Maddalena (Sardaigne), qui entraîne en saison une sur-fréquentation des îles Lavezzi et des mouillage de Corse du sud. Fait remarquable, c’est la première fois qu’une demande de l’assemblée Corse aboutit à une adaptation législative, ce qui donne au dossier une tournure très politique. Et tant qu’on évoque la Corse, citons l’exemple d’un équivalent de la taxe au mouillage envisagée : le GR 20. C’est Jean-Claude Faveris, le Secrétaire général de l’UNAN (Union Nationale des Associations de Navigateurs) qui nous l’a soufflé. Depuis longtemps, il existe une taxe de 5 € la nuit pour les randonneurs qui campent le long du GR 20. Mais voilà, personne ne la collecte et personne ne la paie… De la même façon, qui va aller collecter une taxe au mouillage sur des zones côtières couvrant 88 000 km2 ? C’est une question que les députés feraient bien de se poser. Sauf s’il ne s’agit que d’un geste politique adressé à l’assemblée corse.

Publié par  François-Xavier de Crécy
Publié par François-Xavier de Crécy
journaliste à Voile Mag depuis 2003. Des régates en JOD 35, un tour de l’Atlantique en couple, et déjà une quinzaine d’années à courir d’essai en comparatif pour produire votre Voile Magazine mensuel ! A appris le métier sous la férule des Rubi et consort avant d’essayer de le transmettre à d’autres.
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