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Banque Populaire voit toujours grand

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Ce trimaran portera désormais les couleurs de Banque Populaire, au moins jusqu'en 2014.

Comment réduire la toile sans vraiment réduire la toile – en tout cas, sans que ça se voie ? C’est la difficile équation que l’armateur Banque Populaire a voulu résoudre en définissant ses ambitions véliques pour les prochaines années, ambitions dévoilées ce matin lors d’un point presse. L’idée serait venue cet été, la solution était à portée d’étrave(s) :

Si le prochain gros événement médiatique est la Route du Rhum 2014, si la catégorie reine de la Route du Rhum est le multicoque « Ultime », et si Banque Populaire V, le géant de 40 m, est trop puissant pour être modifié en vue de naviguer en solitaire, alors il faut un bateau d’occasion capable de gagner la Route du Rhum. Par exemple, celui qui a gagné en 2010.

Ça tombe bien, chez Groupama aussi on a réduit la toile, et le maxi-trimaran Groupama 3 (sur lequel Franck Cammas avait remporté le trophée Jules Verne et le Rhum dans la foulée) attendait depuis un moment qu’on vienne le chercher. Le montant de la transaction est couvert par une clause de confidentialité entre les deux armateurs, mais l’affaire est aujourd’hui conclue (le bateau entrera en chantier début avril). Voilà qui est assez bien joué. Le skipper sera celui du 60 pieds Banque Populaire VI, actuellement deuxième du Vendée Globe (et qui avait terminé deuxième de la dernière Route du Rhum), à savoir Armel Le Cléac’h. Par ailleurs, comme les dirigeants de Groupama estiment qu’il est difficile d’avoir une visibilité sportive à plus de deux ans, et qu’il faut quand même deux ans pour préparer un projet… Finalement, la réduction de voilure est aussi et peut-être surtout dans ce resserrement chronologique. Et si la Route du Rhum n’a pas encore de sponsor-titre, il n’y a pas vraiment de souci à se faire de ce côté-là étant donné l’importance de l’événement.

Pour se préparer à cette course qui est bien « l’objectif majeur » (dixit Chantal Petrachi, la directrice de la communication), le « chacal » (surnom d’Armel Le Cléac’h) devrait s’intéresser aux deux records de l’Atlantique [1], à celui des 24 heures (666 milles, par Francis Joyon en juillet dernier) et à celui de la Méditerranée [2]. Mais aucun programme de record précis n’est établi à l’avance et, surtout, il n’est pas prévu de lancer le monstre à l’assaut du record de Joyon autour du monde [3], même avec un chacal dessus. C’est peut-être le temps qui manquerait, puisqu’Armel doit aussi tenter, l’été prochain, d’entrer-dans-le-club-très-fermé-des-triples-vainqueurs-de-la-Solitaire-du-Figaro (Poupon-Le Cam-Desjoyeaux) selon l’expression consacrée. D’un autre côté, il aurait été possible de partir à l’hiver 2013-2014… mais « les records, c’est compliqué, on en a l’expérience », rappelle Mme Petrachi (on se souvient du maxi de 40 m qui avait passé son tour une saison entière), et puis sans doute ne serait-il pas raisonnable de prendre des risques à quelques mois de la Route du Rhum.

Quant à l’ancien Banque Populaire V, actuel détenteur du trophée Jules Verne avec Loïck Peyron (depuis un an), il est à vendre, et si aucune information ne devait filtrer à propos des contacts déjà noués avec des acheteurs potentiels, on a cru comprendre que ceux-ci pouvaient se trouver en Europe, au Moyen-Orient (quelque part sur les rives du Golfe, on imagine), et pas nécessairement dans l’Hexagone. [MAJ 31/01/2013 : on apprend aujourd’hui que Dona Bertarelli et Yann Guichard (Spindrift Racing) se sont offert ce gros jouet – enjoy !] Pas de tarif non plus ; faire offre… Idem pour le monocoque 60 pieds (Banque Populaire VI), qui sera en principe disponible à l’arrivée du Vendée Globe. Et pourtant, « on ne s’interdit pas de retourner sur le Vendée Globe en 2016 »… Evidemment, quand on prend un ris, on peut toujours le larguer.

Whou qu'il est grand, ce trimaran Banque Pop V. Avis aux amateurs, il est à vendre, prix nc.

Transformer le maxi-trimaran de 40 m en bateau de solitaire ? C’était « irréaliste », affirme Ronan Lucas (le directeur technique de l’équipe), dans la mesure où il est bien plus puissant que Groupama 3 [4]. « Cela paraissait très compliqué et le coût était rédhibitoire », notait de son côté Chantal Petrachi. Le directeur technique ajoutait que dans un premier temps, le trimaran ne serait pas modifié :

« J’ai déjà pas mal échangé avec Franck ; on va commencer par prendre le bateau en main, après on verra ce qu’on fait, mais pas sûr qu’il y ait beaucoup de travail, vu que les gens de Groupama sont extrêmement minutieux. »

Enlever le vélo ? On verra [5].

Le chacal sur trois pattes


Reste une question : jusqu’ici, Armel Le Cléac’h a surtout navigué en monocoque (il a fait beaucoup de Figaro et de 60 pieds), et sa dernière expérience en trimaran, quand il était skipper de Foncia, a été plutôt douloureuse. Il avait même chaviré, avec Damian Foxall, lors de la Transat Jacques Vabre en 2005. Ce qui l’avait conduit à changer de circuit (et de sponsor) l’année suivante, pour la Route du Rhum qu’il avait disputée en IMOCA (il faut dire que cette Route du Rhum 2006 suivait celle de 2002 qui avait tourné au jeu de massacre). Mais il paraît que le chacal n’a plus aucune prévention vis-à-vis du multi. En 2010, au moment où il a été recruté par Banque Populaire pour le Vendée Globe, il aurait même déjà fait part de son intérêt pour le tout nouveau circuit MOD 70 (mais il s’agit d’un circuit en équipage). D’ailleurs, il pourrait assez vite se retrouver au départ de la Transat Jacques Vabre (en double), le 3 novembre prochain sur son nouveau maxi-trimaran. « On va proposer notre participation », suggère Ronan Lucas, « si ça entre dans le budget », précise Chantal Petrachi.

La « banque de la voile » en a profité pour annoncer qu’elle restait la banque de la voile : son partenariat est renouvelé jusqu’en 2016 – donc jusqu’aux Jeux de Rio – avec la Fédération française de voile (FFV) et avec l’équipe de France de voile olympique ; et jusqu’en 2015 avec l’Association Eric Tabarly. Il faut dire que le sponsoring voile donne entière satisfaction : à l’arrivée du trophée Jules Verne, les retombées presse auraient été comparables à celles d’une arrivée du Tour de France cycliste… (ce qui serait pas mal en effet). Et puis bien sûr, les valeurs de la voile correspondent parfaitement aux valeurs-de-Banque-Populaire, mais ça, on s’en serait douté. [6]

Plus sérieusement, la directrice de la communication maison a donné une ou deux indications intéressantes :

-Son budget global serait en baisse depuis deux ans ; moins 15% en 2012 et encore 15% de moins pour 2013 ;

-Jusqu’à présent, il se répartissait à parts égales entre le sponsoring et la publicité « classique » (« achats médias », production incluse) ;

-Aujourd’hui, la direction de la banque demande d’augmenter la part de la pub et de diminuer celle du sponsoring – ce qui signifie que la baisse du budget sponsoring est forcément supérieure à 15%. Il faut donc optimiser ce budget, et il est clair qu’à une échéance de deux ans, la Route du Rhum en maxi, avec un (bon) bateau d’occasion, apparaît comme le projet le plus rentable.

[1] D’abord Ambrose-cap Lizard (détenu par Thomas Coville depuis 2008, en 5 jours et 19 heures), et pourquoi pas la Route de la Découverte (Cadix-San Salvador), détenu par Francis Joyon et pour lequel le même Coville se prépare en ce moment.

[2] Thomas Coville, en septembre dernier, a établi entre Marseille et Carthage un premier temps de référence à 1 jour, 1 heure, 36 minutes et 36 secondes.

[3] Record en passe de devenir un monument historique, depuis le temps que Thomas Coville essaie en vain de le battre – il a déjà bouclé deux tours complets sans y parvenir. En 2008, Joyon avait franchi la ligne après 57 jours et 13 heures de mer.

[4] J’ai trouvé un jour des chiffres de 200 tm (tonnes-mètres) pour Banque Pop V, 125 tm pour Sodebo, 55 tm pour un ORMA, à prendre avec des pincettes, et puis je n’ai rien sous la main pour Groupama 3/Banque Populaire VII… En tout cas, à défaut d’être beaucoup plus large que le VII, le Banque Populaire V était beaucoup plus lourd, ça, c’est sûr ; et 200 tm c’est un peu comme si vous aviez une demi-douzaine d’IMOCA sur les bras en même temps, alors ce n’est plus un petit vélo qu’il faut, c’est… c’est quoi ?

[5] Il s’agit du fameux vélo d’appartement que Franck Cammas avait fait monter dans le cockpit pour utiliser la force de ses jambes et prendre le relais du moulin à café. « Peut-être remonter la selle », a-t-on entendu quelques secondes plus tard, de quoi déclencher dans l’assistance une respectueuse hilarité.

[6] Chantal Petrachi a la subtilité qu’il faut pour faire passer le storytelling de rigueur comme une lettre à la Banque Postale poste.

Publié par Sébastien Mainguet
Sébastien a œuvré à Voile Magazine de 2000 à 2015, aux essais mais aussi très souvent aux sujets équipement dont il s’est fait le spécialiste. Il a notamment été longtemps la cheville ouvrière de notre hors-série annuel dédié à l’équipement.
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