Actualité voile

Stabilité, vitesse : on veut des chiffres !

Partager :
Le Django 7.70 au près, tout dessus dans la brise… ©François Van Malleghem

On a beau les demander gentiment auprès des constructeurs (ou parfois des architectes), ce n’est pas toujours évident de les obtenir, ces chiffres. Mais de quoi parle-t-on au juste ?

Il s’agit :

1- Des données de stabilité ;

2- Des données de prédiction de vitesse ;

3- Mais aussi des choses beaucoup plus simples, et néanmoins très significatives, comme la largeur à la flottaison.

Pour ce qui est des données de vitesse, nous obtenons assez facilement des polaires (issues des logiciels de calcul ad hoc dits velocity prediction programm ou VPP), le plus souvent fournies par les architectes via les constructeurs ; c’est encore mieux quand on dispose de données portant le label ORC (en particulier pour les bateaux typés course ou course-croisière).

Pour ce qui est de la stabilité transversale, deux éléments sont intéressants :

1- La courbe de stabilité, avec en particulier le moment de redressement maximum (RM max, sommet de la courbe), le moment de redressement à 25 ou 30°, le moment de redressement à 90°, et bien sûr l’angle de chavirage (ou « AVS », angle of vanishing stability, angle de disparition de stabilité, soit la valeur de l’angle de gîte quand la courbe croise l’axe des abscisses) ;

2- Le calcul de « stability index » (indice de stabilité), défini par la norme ISO 12217-2 (laquelle vient d’être révisée, voir aussi ce billet), et plus connu sous le nom de « STIX ». Pas seulement pour l’indice lui-même ; aussi pour certains éléments fort instructifs qui entrent dans la formule (1), comme l’angle d’envahissement (pour faire bref, c’est l’angle de gîte au-delà duquel il vaut mieux avoir fermé la descente) ou encore l’aire positive de la courbe de stabilité (AGZ).

Stabilité transversale : quelques définitions

1- Le bras de levier de redressement (GZ)
Quand un voilier gîte, son centre de carène (point où s’applique la poussée d’Archimède) se décale un peu ou beaucoup sous le vent, tandis que son centre de gravité se décale un peu ou beaucoup au vent. Une courbe de stabilité donne (en ordonnée) la distance horizontale (GZ) entre ces deux points, soit la distance entre les axes de ces deux forces (poussée d’Archimède et poids), en fonction de l’angle de gîte (en abscisse). L’unité est donc le mètre.

En anglais, on trouve le terme de righting arm, littéralement « bras de redressement » ; en français on parle de « bras de levier de redressement ». La norme 12217-2 en donne très précisément la définition suivante : « distance mesurée pour un angle de gîte [ou d’assiette pour la stabilité longitudinale] donné, en eau calme, à la fois dans le plan horizontal et transversal [ou dans le plan horizontal et longitudinal pour la stabilité logitudinale] entre le centre de carène et le centre de gravité ».

2- Le couple de redressement
Quand le bateau est gîté, le poids d’un côté et la poussée d’Archimède de l’autre ont tendance à redresser le bateau. Ces deux forces d’égale intensité constituent un couple de forces. Ce couple de redressement est caractérisé à la fois par l’intensité de chacune des deux forces et par… GZ. Plus la force est importante, plus le couple est fort ; plus la valeur de GZ est élevée, plus le couple est fort.

Pour tenir compte à la fois de l’intensité de la force et de la valeur de GZ, il faut utiliser la notion de « moment ». Et on parle alors de « moment de redressement » (« RM » pour righting moment en anglais). La valeur de RM lue en ordonnée au sommet de la courbe de stabilité (RM max) donne une mesure exacte de la puissance maximale du bateau, intégrant à la fois la stabilité de forme (liée au dessin de la carène), la stabilité de poids (liée au lest, i. e. au rapport de lest et au centre de gravité du lest) et le déplacement du bateau.

3- Le moment de redressement (RM)
Puisque la force est exprimée en Newton (symbole N) et GZ en mètres, le moment de redressement (qui tient compte des deux) est exprimé en Newton-mètres (Nm) – et non pas en Newton par mètre (2).

En pratique, les notions de « couple de redressement » et de « moment de redressement » peuvent donc se confondre. Par ailleurs, comme tout cela se passe sur Terre et pas sur Kepler-22b, on se permet de parler plutôt en kg.m (kilogramme-mètre), ou en tm (tonne-mètre), c’est plus simple (mais rappelons que sur Terre une masse de 1 kg pèse 9,81 N). Si le centre de gravité et le centre de carène se déplacent avec la gîte, le poids et donc la poussée d’Archimède sont toujours les mêmes.

Que l’on exprime GZ en fonction de l’angle de gîte, ou le moment de redressement (ou couple de redresement) en fonction de l’angle de gîte, on obtient donc une courbe rigoureusement identique – c’est toujours la même courbe de stabilité (on la trouve plus souvent exprimée en GZ, mais encore une fois cela revient au même).

Pour le moment de redressement (RM), la norme 12217-2 donne la définition suivante (©ISO) : « moment de rappel généré à un angle de gîte [ou d’assiette pour la stabilité longitudinale] donné, en eau calme, par le déplacement tranversal [ou longitudinal pour la stabilité longitudinale] du centre de carène par rapport au centre de gravité ».

4- Le couple de chavirage (ou couple de gîte)
Sauf bien sûr au plein vent arrière, le vent exerce sur le plan de voilure une force vélique qui fait gîter le bateau. Plus précisément, cette force vélique peut se décomposer en une force propulsive parallèle à l’axe de la carène et une force de dérive perpendiculaire à l’axe de la carène (3). C’est cette dernière composante qui fait gîter le bateau… dans la mesure où il y a une force anti-dérive pour créer avec elle un autre couple de forces – le couple de chavirage.

Si vous n’avez aucune force anti-dérive, vous n’aurez pas de gîte, mais beaucoup de dérive… A noter que là encore, le moment du couple de chavirage, et donc la hauteur du centre de voilure, ont leur importance. A surface de toile égale, plus le gréement est élancé, plus le centre de voilure est haut, plus le couple de chavirage est fort – et ce n’est qu’en partie compensé par une meilleure finesse (4).

La capacité à porter de la toile est aussi une capacité à supporter un plan de voilure élancé- celui-ci impliquant un centre de voilure élevé mais apportant un gain en finesse et donc en performance aux allures serrées (5).

Dans le cas d’un bateau qui fait route sereinement sous voiles, le couple de chavirage et le couple de redressement s’équilibrent mutuellement pour stabiliser l’angle de gîte à un niveau à peu près constant et raisonnable. Dans le cas d’un bateau qui commence à partir au lof, le couple de chavirage a pris le dessus sur le couple de redressement.

Se méfier des chiffres ?

Bref. De par sa forme générale, la courbe de stabilité donne une idée très précise de la stabilité initiale, du dosage entre stabilité de forme et stabilité de poids, etc.

Une polaire de vitesse donne une bonne idée des capacités du bateau au louvoyage, de son angle de descente (6), ou encore de ses capacités à planer au reaching – à partir de quel angle et jusqu’à quel angle, à partir de quelle vitesse du vent réel, etc. Toutes ces informations seraient encore bien plus précieuses pour nos comparatifs ; on pourrait même s’« amuser » à superposer les courbes de stabilité ou les polaires… ce serait « trop chanmé ».

Régate de clôture de la Transquadra. ©François Van Malleghem/Transquadra

En tout cas, on ne saurait se contenter d’un seul chiffre, et on évitera en particulier de considérer l’angle de chavirage (AVS) comme un critère suffisant pour juger de la stabilité d’un bateau. L’AVS ne dit pas tout même si, d’une manière générale, il dit quand même beaucoup… En regardant l’AVS et le GZ max, on se fait déjà une idée bien plus précise. Mais en fait, ce qu’il faut considérer, c’est ce que l’on appelle la stabilité dynamique, autrement dit l’aire positive de la courbe de stabilité (AGZ) ; cette aire représente en effet la force totale nécessaire pour amener le bateau jusqu’à son angle de chavirage – voir aussi la note (2).

Un bateau avec une courbe de stabilité toute plate (petite AGZ) et un AVS très élevé ne saurait être considéré comme stable. Rien ne sert d’avoir un angle de chavirage très élevé si une déferlante peut facilement coucher et rouler le bateau. Les grands navires (cargo, paquebot) ont des angles de chavirage très faibles, mais ils ne sont pas instables pour autant ; car le GZ est très élevé dès les petits angles de gîte.

Soyons un tantinet plus perfides, et prenons un exemple plus proche de nos préoccupations habituelles. La tendance actuelle, pour les croiseurs (et même les course-croisière) de grande série, consiste à augmenter le franc-bord, ainsi que (dans bien des cas) le volume des superstructures, et à en profiter pour diminuer le rapport de lest. Comment ça marche ? Un franc-bord important induit certes un fardage important, gêne certes le passage dans la mer formée, et limite certes le GZ aux petits angles de gîte. Mais à partir de 60/70° de gîte, ce franc-bord devient au contraire un facteur de stabilité (en outre c’est favorable pour l’angle d’envahissement, et même sans bridge-deck puisque les fonds de cockpit sont très hauts).

Il en va un peu de même pour les superstructures : davantage de fardage, moins de stabilité aux petits angles, mais à partir de 60/70°, ça joue dans le bon sens. On a donc une bonne stabilité aux grands angles, et mêmes des angles de chavirage très corrects, mais faute de lest le bateau est “vautré” dès 15 nœuds de vent (je caricature, là). Le bateau est très stable une fois qu’il est couché, mais il n’est pas bien stable dans des conditions de navigation normales. Car à 60° de gîte, est-il besoin de le préciser, on ne navigue plus…

Donc au lieu d’avoir un bateau raide à la toile entre 0 et 40° de gîte, avec un franc-bord raisonnable et un angle de chavirage élevé grâce à un bon rapport de lest, on a un bateau volage (petit rapport de lest et gros franc-bord), mais qui sait bien faire le bouchon une fois qu’il est couché (les vagues ne l’amènent pas facilement jusqu’à son angle de chavirage) et qui peut ainsi afficher un AVS tout à fait correct. Franchement, ne peut-on pas voir là une sorte de perversion ? Et ne faudrait-il pas attribuer celle-ci à la marche du marketing triomphant ? Poser la question c’est y répondre, comme on dit.

Certes, rien ne remplace la navigation, et tous ces chiffres ne sont jamais que des chiffres… mais ils ont ont l’avantage d’être concrets et a priori objectifs ; en tout cas plus objectifs que le ressenti d’un essayeur.

En fait, ces deux types d’information sont complémentaires : au cours de nos essais, on peut apprécier le comportement d’un bateau, la sensibilité de sa barre, et c’est bien sûr très important ; on peut aussi relever quelques vitesses à différentes allures dans telles ou telles conditions de mer et de vent, mais il va de soi qu’on ne mesure jamais le RM max, ni le RM à 90°, ni l’angle d’envahissement, ni l’angle de chavirage, et qu’on ne peut pas relever des vitesses à toutes les allures et dans toutes les conditions. Y en a qui ont essayé… (7)

Dernière journée ventée pour cet essai de l’Elan 340. ©Jean-Marie Liot

D’ailleurs les yachtmen de la Royal Yachting Association (RYA) ne disaient pas autre chose au début de ce document pdf :

Just as it is mandatory for the fuel consumption of all new cars to be published so the RYA believes that stability information should also be available to a buyer of a boat” (“De même qu’il est obligatoire, pour toutes les voitures neuves, d’annoncer la consommation de carburant, la RYA estime que l’information relative à la stabilité devrait être disponible pour l’acheteur d’un bateau”).

On ne saurait mieux dire. On pourrait même filer davantage la métaphore. Imagine-t-on de publier un essai de voiture sans donner la puissance du moteur et la vitesse maximale ? Eh bien dans le cas d’un voilier, la puissance du « moteur » principal, ce n’est pas seulement la surface de toile, c’est aussi la courbe de stabilité (RM max, mais surtout RM entre 20 et 40° de gîte) ; et la vitesse maximale théorique sur eau plate, elle est dans les VPP…

Pour la stabilité, la RYA a ainsi créé une grosse base de données, que l’on peut télécharger ici (format Excel), et qui à première vue semble vraiment intéressante – elle donne en particulier l’AVS et le STIX…

Des chiffres oui, mais quels chiffres ?

Oui mais voilà. Alexandre Cocheril, qui dirige l’ICNN (Institut pour la Certification et la Normalisation dans le Nautisme), nous met sérieusement en garde contre le caractère extrêmement hétérogène des différentes données que nous pouvons recueillir. “On a affaire à du n’importe quoi, comme j’ai essayé de l’expliquer aux gens de la RYA”, nous dit-il sans ambages. Et il ne manque pas d’arguments, c’est le moins qu’on puisse dire.

Tout d’abord, il faut savoir que si la norme ISO 12217-2 définit des conditions de mesures précises (nous allons y revenir), rien n’empêche en revanche tel ou tel organisme de certification d’adopter ce qu’Alexandre Cocheril appelle une « démarche conservative ». Autrement dit, souligne le directeur de l’ICNN, « l’obligation consiste à démontrer que le bateau passe ». Mais sans plus – en vertu du principe selon lequel “qui peut peut le plus peut le moins”… Illustration par l’exemple :

« Il y a quelques années, un magazine britannique avait publié un compte-rendu de notre procédure de certification pour un gros Jeanneau ; mais cela ne correspondait en fait à rien de très réel : en effet, comme c’était un gros bateau, nous avions utilisé une modélisation avec un pont plat ; parce qu’on savait que de toute façon, le bateau passait largement dans la catégorie A !

Encore une fois, il s’agit d’abord d’apporter des données qui démontrent que le bateau passe ; si l’on adopte une démarche conservative, on n’est pas du tout obligé de prendre en compte le bateau réel ; si on adopte au contraire la démarche inverse, qui consiste à tester le bateau réel, on peut s’amuser à prendre en compte non seulement les superstructures, mais aussi le gréement, le volume du mât, la masse volumique du matériau du mât… ».

Et il poursuit :

« Aujourd’hui, cela peut parfois poser problème : les bateaux sont de plus en plus modélisés ; dans certains cas nous recevons des modèles qui incluent non seulement le pont, mais aussi la moindre rigole moulée, le moindre winch… Résultat, les modèles sont des fichiers tellement lourds qu’on a parfois du mal à les faire tourner sur nos logiciels ! »

D’un autre côté, il est des architectes qui ne suivent nullement cette tendance générale – et ce ne sont pas forcément les plus mauvais ! Alexandre nous cite l’exemple de Jacques Valer (le sorcier du JPK), qui travaille « à l’ancienne » (mais avec tant de brio !), sans avoir recours aux outils informatiques :

“Bon, dans ce cas précis, le chantier se charge quand même de modéliser pas mal de choses ; mais c’est pour dire qu’il existe des cas très différents les uns des autres ; selon l’architecte, selon le chantier, on travaille avec des modèles qui peuvent être très complets, ou au contraire très succincts.”

Ensuite, si certains organismes de certification effectuent de vraies mesures in situ, avec leur propre matériel et leur propre personnel, pour déterminer le STIX et la courbe de stabilité (c’est le cas de l’ICNN, nous assure son directeur), d’autres se contentent d’introduire les données fournies par le constructeur dans un logiciel.

Certains peuvent même se dispenser de toute référence aux normes ISO (telles que la 12217-2 pour le STIX) puisque, rappelons-le, ils sont seulement tenus de valider la conformité à la directive (la directive 94/25), et non pas la conformité aux normes (voir ce billet). Tout cela pour dire que les différents organismes de certification disposent de données dont la pertinence, la précision et la fiabilité sont très hétérogènes. C’est ce qu’Alexandre Cocheril voulait souligner. « Il y a encore des organismes notifiés qui certifient des bateaux qu’ils n’ont jamais vus », affirmait-il ainsi à l’occasion de la réunion d’information organisée lors du dernier Salon nautique de Paris ; ou encore : « Il y a des progrès à faire à la fois sur le contrôle du marché… et sur le contrôle des organismes notifiés [ndlr : c’est prévu dans la nouvelle mouture de la directive européenne 94/25, qui devrait être publiée à l’été à l’été 2012, voir ce billet] ».

De même Grégoire Dolto, le responsable technique de la Fédération des industries nautiques (FIN), cite l’exemple (si l’on peut dire) de l’IMCI (International marine certification institute), un organisme notifié américano-belge : « Leur principe à eux c’est plutôt de mettre des cases à cocher et d’aller vérifier si les gens ont bien coché les cases »… Et Cocheril de préciser : « Cet organisme a été créé par les Américains avec une visée purement industrielle ; il s’agit de permettre aux bateaux américains d’être vendus dans l’Union européenne, et c’est tout ».

Il faut bien dire que tout cela casse un peu l’ambiance. Car si l’ICNN et le Bureau Véritas sont les deux seuls « organismes notifiés » habilités par l’administration française (en l’occurrence le MEDAD), un chantier français peut très bien s’adresser à n’importe quel autre organisme notifié habilité par l’administration de tout autre pays de l’Union européenne (8). Le « Guide d’application de la directive 94/25 », édité par la Fédération des industries nautiques, en donne la liste complète ; on en compte une bonne quinzaine (on pourrait citer aussi le hollandais ECB, European certification bureau, qui a par exemple certifié le Sormiou 29).

Mais un bateau vendue dans l’UE doit nécessairement être certifié par un organisme notifié au sein de l’UE – d’où la création de l’IMCI par les Américains. D’un autre côté, nos amis britanniques de la RYA prennent bien soin de préciser, dans leur fameuse base de données Excel… la source des données (colonne de droite).

Avec 30 nœuds de vent, cet Elan 340 souffrait de son jeu de voiles… ©Jean-Marie Liot

En quoi consiste précisément le travail d’un organisme de certification tel que l’ICNN ? En gros, il y a deux volets principaux :

1- Recueil des données auprès de l’architecte et/ou du constructeur : essentiellement la modélisation de la coque, éventuellement la modélisation du pont, de l’accastillage… du gréement…

2- Mesures in situ : essentiellement une pesée hydrostatique et des mesures du moment de redressement (RM) à différents angles – par exemple 1°, 30°, 90°. A partir de là, on peut déduire le GZ (en divisant le moment de redressement par la masse), calculer la position verticale du centre de gravité (« VCG » dans la norme 12217-2), et donc obtenir une courbe de stabilité complète et empirique (laquelle peut venir corriger la courbe de stabilité théorique).

“Le Bureau Véritas se contente souvent d’une mesure de RM à 1°, affirme Alexandre Cocheril. Nous faisons aussi cette mesure, mais autant que possible nous faisons aussi des mesures à 30 et à 90°. La mesure de RM à 1° pose pas mal de problèmes. Elle exige beaucoup de rigueur, car il faut pouvoir s’assurer que les conditions sont optimales ; le fardage peut très vite fausser la mesure, dès le moment où il y a un peu de vent.

En fait, plus on augmente l’angle de gîte pour les mesures de RM, mieux c’est. Mais par ailleurs, plus on augmente cet angle, plus c’est coûteux… A cet égard, faire une mesure de RM à 30°, c’est déjà un autre problème que de faire une mesure à 1°. Pour des bateaux mesurant jusqu’à 10 ou 12 m, ça peut aller, mais au-delà ça devient franchement plus compliqué : pour faire une mesure de RM à 90° sur un gros bateau, eh ben il faut une grue, et à l’ICNN on n’a pas encore les moyens de mobiliser les outils nécessaires.” (9)

En bref, la mesure de RM à 1° n’est pas forcément très fiable ni donc très riche d’enseignements – « il y a toujours un gros risque de parasitage des mesures », nous dit Pascal Conq. Si possible il faut faire pencher le bateau bien davantage pour obtenir des données plus significatives. En tout cas il semble qu’il faille rendre hommage aux efforts de l’ICNN, cet organisme à but non lucratif (et à statut associatif) qui œuvre mine de rien pour que nous puissions un jour fournir à nos lecteurs des données chiffrées plus significatives et plus objectives.

En attendant, suggérais-je à Alexandre Cocheril, on pourrait quand même utiliser la base de données de l’ICNN, qui est déjà bien fournie, surtout pour les bateaux français… dont l’ICNN certifie une écrasante majorité, sans doute autour de 80 ou 90% (le bureau Véritas quant à lui certifie par exemple les Amel). Et au sein de cette base, on pourrait alors se risquer à des comparaisons puisque l’on disposerait cette fois de données relativement homogènes. Mais Alexandre apporte aussitôt une précision d’importance : les données de l’ICNN sont transmises au constructeur et à lui seul, sous le sceau de la confidentialité. Ouille.

De même, les données de VPP (polaires de vitesse) fournies au public par certains chantiers (voir plus bas) proviennent généralement des architectes (plus rarement de l’ORC), or Pascal Conq nous précise que là encore ces données sont très théoriques (Jean-Marie Finot insiste toujours beaucoup là-dessus…) et que par ailleurs elles sont a priori confidentielles.

N’empêche. A l’heure où tout le monde se gargarise de « transparence »… eh bien là ça fait un peu tâche. A moins que cette heure soit déjà passée ; de nos jours, les industriels semblent souvent plus soucieux de se repeindre en “vert” que de se faire transparents. Quoi qu’il en soit, messieurs les constructeurs, la balle est dans votre camp.

Au passage, Alexandre Cocheril nous parlait aussi de la méthode Selden (utilisée par le fabricant de mât pour déterminer les spécifications de ses gréements), qui manque de précision car « on fait gîter le bateau à partir du capelage, donc le point d’application de de la force est en avant du centre de gravité, ce qui fausse la mesure ». Néanmoins, reconnaît-il, « c’est mieux que rien ».

Ça tombe bien, parce que s’il y a une méthode qui est accessible pour nous autres journalistes (au moins avec des petits bateaux), c’est bien celle consistant à faire ainsi gîter les bateaux (on mesure ensuite le moment de redressement avec un dynamomètre).

A propos de la nouvelle norme 12217-2 : des précisions

Nous en avons déjà parlé ici, la fameuse norme de stabilité ISO 12217-2 a subi tout récemment une refonte assez complète. En gros, on peut distinguer deux évolutions principales.

Tout d’abord, les conditions de mesure et de calcul en terme de déplacement du bateau. Auparavant, la norme imposait de prendre en compte deux configurations : condition minimale d’utilisation (« minimum operating condition » ou MOC), et condition de charge maximale (effectif maximal de l’équipage, avitaillement maximal, et tous réservoirs pleins).

Aujourd’hui, on a conservé la condition minimale d’utilisation, mais remplacé la condition de charge maximale par une configuration dite « condition d’arrivée en charge » (ou « retour croisière »), ainsi définie par la norme :

« Bateau en condition de charge maximale moins 85% de la capacité maximale des réservoirs fixes ou portatifs de carburant, d’huiles et d’eau potable et moins 90% des provisions comestibles, mais comprenant la combinaison des éléments d’équipements ou d’accastillage optionnels la plus défavorable pour la stabilité. »

Autrement dit, on prend effectif maximal de l’équipage (nombre maximum d’équipiers, 75 kg chacun), mais avec un avitaillement très limité et tous les réservoirs presque vides – en bref, on a enlevé les liquides et les consommables. Ce qui, ne nous y trompons pas, est en fait plus rigoureux, car plus pénalisant puisque les réservoirs (et même l’avitaillement) sont généralement situés au niveau de la flottaison, à peine au-dessus, voire en-dessous (d’où, avec l’ancienne méthode, un centre de gravité plus bas).

Précisons que pour être homologué dans telle ou telle catégorie, un bateau doit toujours satisfaire aux exigences correspondant à la catégorie visée dans les deux conditions de charge – « condition minimale d’utilisation » et « condition d’arrivée en charge ». La masse de l’équipage en « condition minimale d’utilisation » est de 75 kg pour les bateaux jusqu’à 8 m, 150 kg pour les bateaux de plus de 8 m et jusqu’à 16 m, et 225 kg pour les bateaux de plus de 16 m et jusqu’à 24 m (soit 1, 2 ou 3 équipiers selon la longueur du bateau) ; cette masse étant toujours placée dans l’axe de la carène à proximité du poste de barre.

En condition d’arrivée en charge, la masse supplémentaire de l’équipage par rapport à la condition minimale d’utilisation doit être placée au milieu de LH (longueur de la coque) et à hauteur du livet (la position latérale de ces équipiers supplémentaires n’est bizarrement pas précisée, même dans l’annexe normative qui donne la méthode de détermination de la courbe de stabilité en RM).

Pascal Conq nous fait remarquer que la position du centre de gravité peut varier assez nettement quand on passe de la condition minimale d’utilisation à la condition de charge maximale ou a fortiori à la condition d’arrivée en charge : 100 mm, voire davantage, ce qui fait une énorme différence.

Deuxième changement, la condition de masse minimale imposée pour entrer dans les catégories de conception A et B (3 t pour la catégorie A et 1,5 t pour la B, voir le document pdf de la RYA) a été supprimée. « On a obtenu ça de haute lutte, après une bagarre de vingt ans », précise Alexandre Cocheril.

En revanche la condition d’angle de chavirage minimal (AVS minimal) a été conservée, les Britanniques et leurs alliés scandinaves n’ayant pas totalement relâché leur pression (voir infra)… Cet angle doit donc être supérieur à [130 – (2 x déplacement en tonnes)] avec plancher à 100° pour la catégorie A, supérieur à [130 – (5 x déplacement en tonnes)] avec plancher à 95° pour la B (75° pour les bateaux incoulables), supérieur à 90° pour la C et à 75° pour la D. La condition de masse minimale a été remplacée par une condition d’ARM minimale, ou « énergie de redressement minimale » (en kg.m.degrés), ce qui rejoint les réflexions développées plus haut. Autrement dit, résume le directeur de l’ICNN, « on a remplacé la masse par l’énergie ; le message que nous avons réussi à faire passer est le suivant : on peut très bien avoir deux fois plus d’énergie avec la même masse, si le GZ est globalement deux fois plus élevé ; ce qui compte, c’est la surface sous la courbe de stabilité en RM (ARM, ndlr) ».

Rappelons que l’aire AGZ, dont l’aire ARM dépend étroitement, était déjà depuis l’origine un élément essentiel entrant dans la formule de calcul du STIX (1), et précisons aussi que cette ARM minimale est définie en condition minimale d’utilisation.

A noter au passage que la norme impose aussi un angle d’envahissement minimal ; la définition de cet angle est assez complexe (il existe en fait plusieurs définitions), je n’entrerai pas dans les détails, mais pour vous donner quand même une idée, l’angle requis est de 40° pour les catégories A et B, 35° pour la catégorie C, et 30° pour la catégorie D. Les conditions d’AVS minimal, d’ARM minimale et d’angle d’envahissement minimal ne sont véritablement requises que pour les catégories A et B… comme d’ailleurs la condition de STIX minimale elle-même.

« On n’est donc pas encore arrivé à une définition des catégories de conception en fonction du seul STIX », note Alexandre non sans regret. « Pourtant l’angle de chavirage aussi bien que l’ARM entrent déjà dans la formule du STIX, donc on ne voit pas très bien pourquoi on devrait en plus avoir des conditions extérieures à cette formule ; c’est un peu redondant. Tout l’intérêt de la formule, c’était justement de pouvoir se mettre d’accord sur un seul calcul, alors qu’on arrivait avec des cultures très différentes – pour simplifier, britannico-scandinave d’une part, franco-américaine d’autre part. »

Il faut savoir que nos amis britanniques demeurent très attachés à ces histoires de masse minimale, d’AVS minimal, de rapport de lest, etc. Les Français, toujours plus foutraques et détendus, ne partagent pas ces crispations et défendent une approche plus globale et moins dogmatique.

Mais attention, ils n’ont pas forcément raison pour autant, surtout quand il s’agit de rapport de lest (voir supra). Cela dit, les évolutions obtenues « de haute lutte » par les Français semblent assez judicieuses.

La jauge IMOCA a fini par limiter le moment de redressement des bateaux… (voir la note 2)

Les voiliers à ballasts et/ou à quille basculante se voient eux aussi imposer des exigences bien plus strictes. « La norme était bizarrement rédigée, nous dit Alexandre Cocheril, puisque les bateaux devaient simplement passer dans la catégorie du dessous (la B pour qui visaient la A, la C pour ceux qui visaient la B, etc) une fois les seuls ballasts sous le vent remplis et/ou la quille basculée à fond sous le vent – ce que l’on appelle la configuration worst case [« pire des cas », configuration la plus défavorable]. Maintenant il faudra passer dans la même catégorie. »

Autrement dit, auparavant, les calculs pour la catégorie visée étaient effectués avec tous les ballasts au vent remplis et/ou la quille basculée à fond au vent… Désormais, c’est la bien la configuration worst case – la plus défavorable, avec les seuls ballasts sous le vent remplis et la quille basculée à fond sous le vent – qui est systématiquement utilisée pour tous les calculs…

Quant à la formule de calcul du STIX, elle a très peu changé. « La formule est assez complexe, explique Alexandre Cocheril, sa mise au point avait été très délicate, et cela nous aurait emmené trop loin de s’y attaquer ».

Seule évolution notable, qui reste malgré tout un élément annexe, la fin du bonus de 5 points de STIX accordé aux bateaux disposant d’une flottabilité les rendant incoulables, ce bonus étant remplacé par un bonus de 20% de FDF (facteur d’envahissement) – voir ce billet et la note (1) en bas de cette page-ci. « Ce truc avait été obtenu politiquement », avance le directeur de l’ICNN… « D’une part, 5 points, c’était énorme, et d’autre part ça n’avait pas grand-chose à faire dans le STIX, cet indice caractérisant la capacité du bateau à faire route à l’état intact. » (voir aussi ce billet)

Au fait, doit-on désormais parler d’« insubmersibilité », d’« incoulabilité » ou de « flottabilité » ? Comme on veut, répond Alexandre…

« Tous ces mots sont dans le dictionnaire… Avant, on distinguait l’insubmersibilité de base et une autre notion plus exigeante qui prenait en compte la stabilité à l’état envahi ; ce qui supposait par exemple de prendre en compte non seulement le volume de flottabilité, mais aussi la répartition de ce volume, ce que même la jauge mini ne fait pas.

De toute façon, la stabilité à l’état envahi n’entre plus vraiment dans la philosophie de la directive européenne [la fameuse « nouvelle approche, ndlr, voir ce billet] puisque, encore une fois, on s’intéresse avant tout au comportement du bateau à l’état intact.

Dans le même esprit, on n’impose plus désormais d’utiliser de la mousse plutôt que des volumes d’air ; simplement, si on prend la deuxième option, il doit y avoir sur chaque compartiment de flottabilité un autocollant précisant qu’il s’agit d’un volume de flottabilité et que le compartiment ne doit surtout pas être endommagé. »

En annexe I, la norme ISO 12217-2 donne un tableau récapitulatif de toutes les exigences requises pour les monocoques en fonction de la catégorie de conception visée et de la procédure (« option ») choisie pour démontrer la conformité – vous noterez que pour les catégories A et B, il n’existe qu’une option (©ISO) :

Numéro d’option 1 2 3
Catégorie de conception A B C D C D
Degré de pontage ou de couverture Quelconque oui oui oui oui
Entièrement fermé
(voir le 3.1.8)
oui oui
Ouvertures d’envahissement (voir 6.2.1) oui oui oui oui oui oui
Hauteur
d’envahissement
requise
(avec figures)
(6.2.2)
Ne doit pas être inférieure à 0,5 0,4 0,3 0,2 0,3 0,2
Ne doit pas être inférieure à LH/17 LH/17 LH/17 LH/17 LH/17 LH/17
N’a pas besoin d’être supérieure à 1,41 1,41 0,75 0,4 0,75 0,4
Hauteur
d’envahissement

(selon Annexe A, 6.2.2)
Ne doit pas être inférieure à 0,5 0,4 0,3 0,2 0,3 0,2
N’a pas besoin d’être supérieure à 1,41 1,41 0,75 0,4 0,75 0,4
Angle d’envahissement (6.2.3) φD doit être> 40o 40o 35o 30o
Taille des cavités (6.3) seulement on utilise 6.5.2 & φv < 90° max % perte de GMT 550 FR / LH
Energie redressement (6.4) mMO × AGZ > 172 000 57 000
Angle disparition de stabilité (6.5.1) φv doit être >
et φv doit être >
(130 – 2M)a
100o
(130 – 5M)a
95o
90° 75°
Angle disparition de stabilité (6.5.2) φv doit être >
et volume de flottabilité VB (m3) >
et Informations sur stabilité
(130 – 5M)a

et >75

mLDC/850
selon 7.4

Index de stabilité (6.6) STIX doit être > 32 23 14 5
Energie de redressement après bateau couché (6.7) oui oui
Essai raideur à la toile (6.8)
Exigences de flottabilité (6.9)
Redressement après chavirage (6.10)
Détection et vidange de l’eau (6.11) oui oui oui oui oui oui
a M = m /1 000
Numéro d’option 4 5 6 7
Catégorie de conception C et D C D C D C et D
Degré de pontage ou de couverture Quelconque oui oui oui oui oui oui
Entièrement fermé
(voir le 3.1.8)
Ouvertures d’envahissement (voir 6.2.1) oui oui oui oui oui
Hauteur
d’envahissement
requise
(avec figures,6.2.2)
Au moins égale à 0,3 0,2
Au moins égale à LH/17 LH/17
N’a pas besoin d’être supérieure à 0,75 0,4
Hauteur
d’envahissement

(selon Annexe A, 6.2.2)
Au moins égale à 0,3 0,2
N’a pas besoin d’être supérieure à 0,75 0,4
Angle d’envahissement (6.2.3) φDA doit être>
Taille des cavités (6.3) seulement si entièrement fermé % max perte de GMT 1200 FR / LH 1200 FR / LH
Energie redressement (6.4) mMO × AGZ >
Angle de disparition de stabilité (6.5.) φv doit être >
Index de stabilité (6.6) STIX doit être
Énergie de redressement après bateau couché (6.7) oui
Essai raideur à la toile (6.8) vAW > 13 vAW > 8 vAW > 11 vAW > 6
Volume de flottabilité VB (m3) > (6.9) mLDC/850 mLDC/850 mLDC/850
Redressement après chavirage (6.10) oui
Détection et vidange de l’eau (6.11) oui oui oui oui oui oui

Et pour les multicoques…

Enfin, parmi les grandes nouveautés, il faut également signaler celles qui touchent les multicoques habitables, eux aussi concernés par la norme 12217-2 (mais bien sûr pas par la formule STIX). Sans trop entrer dans les détails, signalons les deux points essentiels :

  • Pour ce qui concerne directement l’attribution des catégories, la prise en compte de la stabilité tranversale et longitudinale, ce qui permet de se faire une idée très précise de la stabilité en diagonale, qui est très importante – pour les trimarans, surtout quand les flotteurs sont plus courts que la coque centrale à l’avant, mais aussi pour les catamarans de croisière…
  • Pour le reste, la nouvelle version de la norme va désormais distinguer entre les multicoques susceptibles de chavirer (« vulnérables à l’inversion », dit le texte de la norme) et ceux qui ne sont pas susceptibles de chavirer (la nouvelle version de la directive, qui sera publiée à l’été 2012, reprendra elle-même cette distinction). Pour les premiers, en catégorie C et D, la trappe de secours pourra prendre la forme… d’une simple descente, sous réserve que la distance entre celle-ci et l’« eau libre » ne soit pas trop importante. Les seconds seront tout simplement dispensés de dispositif d’évacuation. « Cette fois, on avait contre nous les Allemands et les Irlandais… », note le directeur de l’ICNN avec un certain amusement.

Il paraît que ces études de stabilité longitudinale donnent des résultats furieusement intéressants :

« Pour les catas de croisière, au départ, on pensait que les bateaux allaient chavirer vers 80/90° d’inclinaison ; et on s’est aperçu qu’ils chaviraient dès 40/50° ». Comment est-ce possible ? « En fait, ils chavirent alors sur le côté, parce le centre de gravité est déjà très haut et qu’il n’y plus beaucoup de carène dans l’eau. »

Ce qui nous ramène au problème de la stabilité diagonale, qui est décidément crucial. On sait d’ailleurs que les multicoques de course, eux aussi, chavirent le plus souvent de cette façon, après avoir enfourné l’étrave sous le vent. Alexandre note aussi que d’une manière générale, les catamarans sont plus stables que les trimarans, ce qui n’est pas très étonnant. Du coup, on ne s’étonnera pas non plus que les exigences applicables aux trimarans soient plus sévères que celles applicables aux catamarans (voir infra).

Une bonne part des nouvelles exigences sont construites sur la base d’un « facteur de navigation sous mât seul » (BPF pour « Bare Pole Factor en anglais ») que la norme définit comme suit (©ISO) :

si vBP < 70 ; et BPF = 1 si vBP ≥ 70

vBP (BP pour « bare pole ») étant la vitesse que le vent doit atteindre, quand toutes les voiles sont affalées, pour amener le bateau à un angle de gîte correspondant à son moment de redressement maximal (et non pour l’amener à son angle de chavirage), ou pour l’amener à un angle d’assiette sur l’avant « pour lequel le pont avant à l’étrave commence à être immergé » ou à un angle d’assiette sur l’avant de 20° – la plus faible des deux valeurs étant retenue : si à 15° d’assiette sur l’avant, le pont avant à l’étrave commence à être immergé, on retient 18° ; si le pont ne commence à être immergé qu’à 22°, on retient quand même 20°.

La norme parle de « vitesse de vent sous mât seul basée sur le moment de redressement transversal limite [i. e. maximal] » ou de « vitesse de vent sous mât seul basée sur le moment limite longitudinal [tel que défini supra] ». De ces deux valeurs, c’est la plus faible qui doit être retenue pour calculer le BPF.

A partir de ce BPF (« facteur de navigation sous mât seul ») dépendant lui-même de la « vitesse de vent sous mât seul », la norme impose, en fonction des différentes catégories de conception, d’une part une valeur minimale pour le bras de levier de redressement maximal transversal, d’autre part une valeur minimale pour l’aire de la courbe de stabilité longitudinale, en moment de redressement cette fois (RM), entre 0° et le fameux angle d’assiette sur l’avant « pour lequel le pont avant à l’étrave commence à être immergé » ou entre 0° et un angle d’assiette sur l’avant de 20° si le pont avant à l’étrave n’est toujours pas immergé à 20°.

A noter que là encore, pour la stabilité longitudinale, c’est l’énergie qui est prise en compte. Les deux tableaux suivants donnent les valeurs minimales exigées pour le bras de levier de redressement transversal (en mètres) et pour l’aire positive de la courbe de stabilité en RM en kiloNewton.mètre.radian (©ISO) :

Exigences minimales pour le bras de levier de redressement transversal
Catégorie de conception Catamarans Trimarans
A 1,85 / BPF 2,9 / BPF
B 1,3 / BPF 2,2 / BPF
C 0,7 / BPF 1,5 / BPF
Exigences pour l’aire minimale sous la courbe du moment de redressement longitudinal
Catégorie de conception Aire minimale sous la courbe du moment de redressement longitudinal
A 20 / BPF
B 7 / BPF
C 2 / BPF

Comme annoncé plus haut, les exigences sont plus fortes pour les trimarans (du moins pour le bras de levier de redressement maximal).

Pour ce qui est de la stabilité diagonale proprement dite, elle est évaluée de la façon suivante. Le bateau est placé à l’angle d’assiette sur l’avant limite tel que défini supra, puis à un angle d’assiette sur l’arrière égal en valeur absolue à celui-ci. Dans chacune de ces deux conditions d’assiette, le moment de redressement transversal à 1° de gîte doit être supérieur (en Newton.mètre) :

-Pour la catégorie A, à 110% du déplacement en condition minimale d’utilisation ou à 5 000 Nm, la plus grande de ces deux valeurs étant retenue ;

-Pour la catégorie B, à 1 500 Nm.

Venons-en maintenant à la « vulnérabilité à l’inversion ». Comment détermine-t-on au juste si un multicoque est susceptible ou non de chavirer ? Pour résumer, on prend en compte le fait qu’il y ait ou non une certaine marge (35% pour les catamarans et 80% pour les trimarans) entre les exigences requises pour la catégorie de conception en terme de stabilité transversale et longitudinale et les caractéristiques réelles du bateau ; on prend également en compte la vitesse du vent à partir de laquelle il faut réduire la toile ; et enfin, pour certains trimarans uniquement, on prend aussi en compte le volume du flotteur par rapport au déplacement du bateau en condition de charge maximale.

-Si le bras de levier de redressement transversal maximal est inférieur à 135% de l’exigence minimale pour les catamarans, ou à 180% de l’exigence minimale pour les trimarans, le bateau est considéré comme vulnérable à l’inversion ;

-Si l’aire sous la courbe du moment de redressement longitudinal entre 0° et l’angle d’assiette sur l’avant défini supra (à savoir 20° ou l’angle pour lequel le pont avant à l’étrave commence à être immergé, la plus faible des deux valeurs étant retenue) est inférieure à 135% de l’exigence minimale pour les catamarans, et à 180% de l’exigence minimale pour les trimarans, alors le bateau est considéré comme vulnérable à l’inversion ;

-Si la vitesse du vent à partir de laquelle la voilure doit être réduite est inférieure à 25 nœuds pour la catégorie A, 22 nœuds pour la catégorie B, 19 nœuds pour la catégorie C, et 16 nœuds pour la catégorie D (ici les valeurs sont les mêmes pour les catas et pour les tris, ce qui paraît logique), alors le bateau est considéré comme vulnérable à l’inversion ;

-Et enfin, uniquement pour les trimarans dont le bau entre les centres de carène des coques latérale (BCB) est inférieur 14 m en catégorie A ou à 8 m en catégorie B, si le volume d’un flotteur est inférieur à 130% du volume de déplacement en condition de charge maximale (volume d’eau correspondant au déplacement), alors le bateau est considéré comme vulnérable à l’inversion (la norme donne un schéma à suivre pour calculer le volume du flotteur quand il est bien enfoncé dans l’eau).

Notez-le bien, il suffit qu’une seule de ces conditions soit remplie pour que le bateau soit considéré comme vulnérable à l’inversion. Et là encore on note aussi que les exigences sont décidément plus fortes pour les trimarans… parce qu’ils sont intrinsèquement moins stables.

Mais à quoi correspond exactement cette vitesse du vent à partir de laquelle la voilure doit être réduite (« vitesse limite de vent », νW) ? Elle est précisément définie en annexe de la norme, comme la « vitesse de vent sous mât seul » νBP. La formule utilisée est la même, sauf qu’au lieu de considérer seulement le fardage de la coque, on ajoute celui des voiles…

Pour νW comme pour νBP, on fait le calcul avec le moment de redressement transversal limite (maximal), puis avec le moment limite longitudinal tel que défini supra, et on retient la plus faible des deux valeurs de vitesse de vent ainsi obtenues. Ce qui donne (©ISO) :

LMT étant le moment de redressement transversal limite et LML le moment limite longitudinal. Pour le reste, c’est très simple :

-ABP est la surface latérale (pour le calcul avec LMT) ou frontale (pour le calcul avec LML) de la coque, des espars (en excluant les mâts-aile), du gréement dormant, des antennes et autres accessoires présentant une surface supérieure à 100 cm2, de la grand-voile fermée sur la (les) bôme(s), et du (des) des foc(s) enroulé(s) ;

-AH la même chose sans les voiles ferlées (ou enroulées) ;

-AWM la surface latérale ou frontale de l’éventuel mât-aile ;

-AS la surface latérale (y compris pour le calcul avec LML) de chaque voile ;

-hBP la hauteur du centre de surface des éléments correspondants (coque, espars etc) au-dessus du centre de dérive, ou au-dessus de la flottaison si l’on fait le calcul avec LML (dans ce cas on considère fort logiquement la force anti-dérive est négligeable) ;

-hH la même chose sans les voiles ferlées (ou enroulées) ;

-hWM la hauteur du centre de surface de l’éventuel mât-aile au-dessus du centre de dérive, ou au-dessus de la flottaison si l’on fait le calcul avec LML ;

-hS la hauteur du centre de surface de chaque voile au-dessus du centre de dérive, ou au-dessus de la flottaison si l’on fait le calcul avec LML.

Et maintenant, quelles sont les exigences supplémentaires requises pour les multicoques vulnérables à l’inversion ? Ils doivent d’abord être incoulables, ou insubmersibles (peu importe désormais le terme, comme on l’a vu plus haut), c’est-à-dire avoir une « flottabilité après inversion » définie comme suit :

-Quand le bateau est inversé et/ou entièrement envahi, le volume de flottabilité total (en mètres cubes) doit être supérieur à mLDC/850 en kilogrammes, mLDC étant le déplacement en condition de charge maximale ;

-Le bateau inversé doit flotter à un angle de moins de 10° par rapport à sa flottaison « normale » en position droite (ce qui veut dire qu’ici, on prend en compte la répartition du volume de flottabilité).

Outre les matériaux à faible densité (mousse à cellules fermées), des réservoirs d’air (intégrés ou non à la structure du bateau) et des compartiments étanches peuvent être utilisés, mais à condition qu’ils soient spécialement conçus pour apporter de la flottabilité, et dédiés à cette fonction ; à condition aussi qu’une étiquette « Ne pas percer – réservoir d’air / volume de flottabilité » soit apposée sur les réservoirs d’air et que une étiquette « DOIT ETRE FERME EN ROUTE » sur l’ouverture des compartiments étanches.

Des « sacs gonflés » peuvent aussi être utilisés, mais à condition qu’ils soient gonflés en permanence ; les dispositifs de type « airbag », qui se gonflent automatiquement quand ils sont submergés, ne sont pas pris en compte.

Ensuite, les multicoques vulnérables à l’inversion doivent offrir des « moyens d’échappée », autrement dit des issues de secours, en cas d’inversion.

En catégorie A et B, il doit s’agit d’un panneau dédié (panneau ouvrant standard, panneau fixe maintenu par un talon amovible, ou panneau à casser) dont le bord supérieur (le bateau étant retourné…) doit se trouver au minimum à 20 cm au-dessus de la surface de l’eau, et qui doit pouvoir être ouvert de l’extérieur (il n’est en revanche pas exigé qu’il soit refermable).

En catégorie C et D, il peut s’agir aussi d’une ouverture d’accès normale (descente par exemple), à condition qu’elle soit « accessible par un court parcours à la nage sous l’eau » et que son bord supérieur se trouve à moins de 40 cm sous la surface de l’eau. Mais qu’est-ce au juste qu’un « court parcours à la nage sous l’eau » ? Eh bien c’est un parcours de moins de 5 m au total (du niveau de l’eau à l’intérieur à la surface de l’eau à l’extérieur en passant par l’issue de secours), en évitant les éventuelles filières.

En catégorie A et B, quand un panneau à casser est utilisé, l’outil nécessaire doit être fixé à proximité, et accessible de l’extérieur via un panneau étanche. Enfin, quand le bateau est en position droite, le bord inférieur d’une issue de secours quelconque (y compris s’il s’agit d’une simple descente) doit se trouver à au moins 10 cm de la flottaison en charge pour les catégories C et D, et à au moins 20 cm pour les catégories A et B.

En annexe I, la norme donne là encore un tableau récapitulatif des exigences requises pour les multicoques selon la catégorie de conception (©ISO) :

Configuration ou exigences Catégorie de conception A B C D
Degré de pontage ou de couverture Quelconque oui oui
Entièrement fermé
(see 3.1.8)
oui oui
Ouvertures d’envahissement
(voir le 6.2.1)
oui oui oui oui
Hauteur d’envahissement
requise
(avec figures, 6.2.2)
Au moins égale à 0,5 0,4 0,3 0,2
Au moins égale à LH/17 LH/17 LH/17 LH/17
N’a pas besoin d’être supérieure à 1,41 1,41 0,75 0,4
Hauteur
d’envahissement

(selon Annexe A, 6.2.2)
Au moins égal à 0,5 0,4 0,3 0,2
N’a pas besoin d’être supérieure à 1,41 1,41 0,75 0,4
Taille cavités (6.3)
seult entièrement fermé
% max perte de GMT 250 FR / LH 550 FR / LH 1200 FR /LH
Informations sur la stabilité (voir le 7.5) Comme requis par le 7.5
Affichages de sécurité – voir le 7.6 et le 8 Comme requis par le 7.6
Roulis dans les vagues

(voir le 7.7 et 7.8)

catamarans, max GZ (m) > 1,85 / BPF 1,3 / BPF 0,7 / BPF
trimarans, max GZ (m) > 2,9 / BPF 2,2 / BPF 1,5 / BPF
Stabilité longitudinale

(voir le 7.7 et 7.9)

aire sous RM tangage (kN∙m∙rad)> 20 / BPF 7 / BPF 2 / BPF
Stabilité diagonale

(voir le 7.10)

Moment de redressement transversal à 1° gîte
(Étrave + AR) (N∙m) >
Plus grand de 5 000 et 1,1∙mMO 1 500
Bateaux habitables (voir le 7.11) Si vulnérable à l’inversion (voir les 7.11.2 et 7.11.3), appliquer les 7.12 et 7.13:
Flottabilité inversé (voir le 7.12) Volume de flottabilité VB (m3) > mLDC/850
Echappée après inversion (voir le 7.13) Comme requis par le 7.13
Détection et vidange de l’eau (6.11) Comme requis par le 6.11

La nouvelle définition des catégories de conception

La nouvelle norme ISO 12217-2 adopte des limites de hauteur de vague et de force du vent légèrement différentes, s’alignant ainsi sur la future directive européenne (voir ce billet) :

Catégorie de conception A B C D
Hauteur de vague jusqu’à approximativement 7m
significative
4 m
significative
2 m
significative
0,3 m significative 0,5 m maximum
Force du vent Beaufort typique jusqu’à 10 jusqu’à 8 jusqu’à 6 jusqu’à 4
Vitesse de vent de calcul (m/s) 28 (54 nœuds) 21 (41 nœuds) 17 (33 nœuds) 13 (25 nœuds)

NOTE : Les définitions de ces catégories de conception s’alignent sur celles de la Directive de l’Union Européenne concernant les bateaux de plaisance 94/25 CE amendée par la Directive 2003/44.

La norme ajoute les exemples suivants (©ISO), qui ne doivent pas être confondus avec des définitions, voir ce billet (la future directive européenne 94/25 se contentera sans doute du seul tableau) :

« -Un bateau auquel on a donné la catégorie de conception A est considéré avoir été conçu pour naviguer dans des vents de force Beaufort 10 ou moins et les hauteurs de vagues associées, et pour survivre dans des conditions plus sévères. De telles conditions peuvent être rencontrées au cours de grandes traversées, par exemple à travers les océans, ou à proximité des côtes lorsque la zone n’est pas protégée du vent et des vagues sur plusieurs centaines de milles nautiques. Les vents sont considérés souffler en rafales jusqu’à 28 m/s.

-Un bateau auquel on a donné la catégorie de conception B est considéré avoir été conçu pour naviguer dans des vagues d’une hauteur significative jusqu’à 4 m et des vents de force Beaufort 8 ou moins. De telles conditions peuvent être rencontrées au cours de navigations au large de longueur suffisante, ou près des côtes lorsqu’un abri peut ne pas être immédiatement disponible. Ces conditions peuvent aussi être rencontrées sur des plans d’eau intérieurs d’une taille suffisante pour générer les hauteurs de vague citées plus haut. Les vents sont considérés souffler en rafales jusqu’à 21 m/s.

-Un bateau auquel on a donné la catégorie de conception C est considéré avoir été conçu pour naviguer dans des vagues d’une hauteur significative jusqu’à 2 m et des vents de force Beaufort 6 ou moins. De telles conditions peuvent être rencontrées sur des eaux intérieures exposées, les estuaires, et les zones côtières par temps modéré. Les vents sont considérés souffler en rafales jusqu’à 17 m/s.

-Un bateau auquel on a donné la catégorie de conception D est considéré avoir été conçu pour naviguer dans des vagues d’une hauteur significative jusqu’à 0,3 m et des vagues occasionnelles de 0,5 m de haut et des vents de force Beaufort 4 ou moins. De telles conditions peuvent être rencontrées sur des eaux intérieures abritées, et les zones côtières par beau temps. Les vents sont considérés souffler en rafales jusqu’à 13 m/s. »

La petite histoire du STIX

Le saviez-vous ? A l’origine de ce fameux indice de stabilité, il y a la « bande des quatre ». Il ne s’agit pas d’une bande de maoïstes apôtres de la révolution culturelle, mais d’un groupe d’architectes et de mathématiciens européens qui se sont réunis au début des années quatre-vingt-dix pour travailler sur une formule permettant de caractériser la stabilité d’un bateau. Je vous fais les présentations.

-John Moon, sujet britannique, responsable de la jauge au Royal Ocean Racing Club (RORC), était le père du « triple S » de l’ORC – un indice « Stability, safety, security » qui n’a pas peu inspiré les concepteurs du STIX (d’ailleurs Le SSS est toujours utilisé en IRC, quoiqu’il soit remplacé progressivement par le STIX) ;

-Le Suédois Rolf Eliasson, architecte naval connu pour son ouvrage intitulé « Principles of yacht design » qu’il a cosigné avec son compatriote Lars Larsson ;

-Peter van Oossanen, architecte naval et mathématicien hollandais, qui fut directeur du bassin de carène de Wageningen, et qui dans son jeune temps a travaillé sur la quille à ailettes d’Australia II ;

-Et enfin Grégoire Dolto, on ne le présente plus, architecte naval français qui avait créé le cabinet GRAAL avec Patrick Dubois.

Grégoire, selon ses propres dires, avait la délicate mission de représenter à lui tout seul « l’opposition française », face aux trois Anglo-saxons. Il se souvient que la bande des quatre s’était réunie trois jours, à Falmouth (le fief de John Moon), pour écrire la première formule du STIX :

« Chacun avait un ou deux bateaux qu’il estimait devoir être à la limite de telle ou telle catégorie ; Rolf Eliasson avait fait remarquer que le principe su STIX était le seul sur lequel on arrivait à des résultats acceptables, même si nous n’étions pas d’accord sur tous les facteurs. D’abord parce qu’il n’y avait pas de note éliminatoire et que les mauvais points sur un facteur pouvaient se rattraper sur un autre ».

Alexandre Cocheril se souvient quant à lui qu’à la fin des années quatre-vingt-dix, alors que la norme était presque prête avec des catégories de conception basées sur la seule formule STIX, les Britanniques étaient revenus à la charge avec leurs conditions de masse minimale et d’AVS minimal. Comme il fallait bien terminer cette norme un jour, et comme ils devenaient trop pénibles, nous dit-il en substance, les Français avaient fini par céder… Autre point souligné par le directeur de l’ICNN :

« Les Français tenaient à faire valoir que la longueur était un critère très important, alors que les Anglais étaient surtout focalisés sur l’AVS ; le résultat, c’est quand même que la longueur est le facteur le plus déterminant dans la formule… »

La route est longue, et la transparence est opaque

Bon, je sais bien que le lecteur veut des noms, qu’il veut du sang. Mais tant pis : je préfère citer en exemple la maison Hallberg-Rassy. Vous pouvez le constater par exemple ici (cliquez sur les liens en bas de la page consacrée à chaque bateau), le monsieur de chez Hallberg-Rassy n’a pas peur de publier sur son site, en accès totalement libre, devinez quoi :

-Une courbe de stabilité (de chez Frers) ;

-Une polaire de vitesse (idem) ;

-Et en prime un tableau de consommation de gasoil.

Ah, le modèle suédois… la transparence scandinave…

A vrai dire, ils sont quelques autres chantiers à publier en ligne diverses données de stabilité et de VPP : le groupe Hanse (pour les Hanse, les Dehler et les Moody), le constructeur slovène Elan, ou encore le chantier britannique Northshore (dériveurs Southerly) qui donne, au moins pour certains modèles, une courbe de stabilité et/ou une polaire de vitesse. Sur le site de Jeanneau, on trouve ainsi de belles polaires de vitesse pour la plupart des modèles.

NOTE : La version de la norme 12217-2 à laquelle nous nous référons ci-dessus (et ci-dessous) est un brouillon établi en date du 30 septembre 2011. « La version finale risque de changer sur certains détails, avertit Grégoire Dolto, mais probablement pas dans les grandes lignes. »

(1) Quand je m’étais penché sur la question il y a douze ans, Grégoire Dolto (le responsable technique de la Fédération des industries nautiques) m’avait déjà révélé la superstructure de cette formule telle qu’elle était rédigée à l’époque. Elle a très peu changé depuis. Voici donc la formule actuelle, en date du 30/09/2011 (©ISO) :

STIX = (7 + 2,25 LBS) x (FDS x FIR x FKR x FDL x FDB x FWM x FDF)0,5

LBS, FDS, FIR, FKR, FDL, FDB, FWM et FDF sont les différents facteurs entrant dans le calcul.

LBS est le facteur de longueur, qui reste de loin le plus important puisque l’on ne prend pas sa racine carrée.

LBS = (2 LWL + LH) / 3

LWL étant la longueur à la flottaison et LH la longueur de coque.

FDS est le « facteur de stabilité dynamique », le plus important après le facteur de longueur. Il représente, précise la norme, « l’énergie de redressement inhérente (par rapport à sa longueur) qu’il faut vaincre avant qu’un incident de stabilité ne se produise ». AGZ est l’aire positive de la courbe de stabilité, autrement dit (en termes mathématiques) l’intégration de la courbe de stabilité entre 0° et l’angle de chavirage (pour faire bref, ce chiffre prend en compte toutes les valeurs du bras de levier de redressement entre 0° et l’angle de chavirage).

LH étant la longueur de coque.

FIR est le « facteur de récupération après inversion ». Il représente la « capacité d’un bateau à revenir sans aide après une inversion ». C’est plus ou moins le centième de l’angle de chavirage.

FIR = φV / (125 – m/1 600) si m < 40 000

FIR = φV / 100 si m ≥ 40 000

ϕV étant l’angle de disparition de stabilité (AVS, en degrés) et m la masse du bateau (en kilogrammes).

FKR est le « facteur de récupération du bateau couché ». Il représente la « capacité du bateau à rejeter l’eau de ses voiles et ainsi se relever après qu’il a été couché ». Il se calcule à partir d’un autre facteur baptisé « FR ».

FR = GZ90 x m / 2 x AS x hCE

m étant la masse du bateau (en kilogrammes), GZ90 le bras de levier de redressement à 90° (en mètres) et hCE la hauteur du centre de voilure au-dessus de la flottaison quand le bateau est droit (en mètres).

FKR = 0,875 + (0,0833 x FR) si FR ≥ 1,5

FKR = 0,5 + (0,333 x FR) si FR < 1,5

FKR = 0,5 si φV < 90°

FDL est le « facteur déplacement-longueur ». Il « prend en compte de l’effet favorable d’un déplacement plus lourd à longueur égale, qui augmente la résistance au chavirage ».

Avec FL = (LBS/11)0,2, m étant la masse du bateau en kilogrammes.

FBD est le facteur bau-déplacement. Il « prend en compte la vulnérabilité accrue au chavirage par mer de travers des bateaux ayant des murailles fortement évasées et un bau important par rapport à leur déplacement ». Il se calcule à partir d’un autre facteur baptisé FB.

FB = 3,3 x BH / (0,003 m)1/3

BH étant le bau maximum du bateau (en mètres) et m sa masse (en kilogrammes).

FBD = [13,31 BWL / (BH x FB3)]0,5 si FB > 2,20

FBD = [BWL x FB2 / 1,682 x BH]0,5 si FB > 1,45

FBD = 1,118 x (BWL / BH)0,5 dans tous les autres cas

FWM est le « facteur de moment dû au vent ». Il représente le « risque d’envahissement survenant lorsqu’une rafale de vent couche un bateau dont la voilure n’est pas arisée ». Il est lié à l’angle d’envahissement, à la surface de voilure et à sa répartition, et bien sûr à la stabilité du bateau. C’est le calcul le plus complexe, malgré tout il n’y a rien de très sorcier.

FWM = 1 si ϕD ≥ 90°

ϕD étant la valeur correspondant à l’une des définitions de l’angle d’envahissement (en degrés) ; là, c’est simple…

FWM = νAW / 17 si ϕD < 90°

νAW étant, précise la norme, « la vitesse stable de vent apparent, exprimé en mètres par seconde (m/s), requise pour faire gîter le bateau à ϕDW lorsqu’il porte toute sa toile (c’est à dire avec sa voilure non arisée) ».

C’est là que ça se complique un peu, puisqu’il faut calculer νAW avec la formule suivante :

ϕDW étant la valeur (en degrés) correspondant à une autre définition de l’angle d’envahissement (je n’entre pas dans les détails), GZD le bras de levier de redressement (en mètres) quand l’angle de gîte est égal à ϕD, AS la surface de voilure (en mètres carrés), HCE la hauteur du centre de voilure au-dessus de la flottaison (en mètres, le bateau étant droit), et HLP la profondeur du centre de dérive en-dessous de la flottaison (toujours en mètre, le bateau étant droit). HCE + HLP, c’est donc la distance verticale entre le centre de voilure et le centre de dérive, soit le bras de levier du couple de chavirage.

FDF est le « facteur d’envahissement ». Il représente le « risque d’envahissement d’un bateau lorsqu’il est couché ». C’est un peu plus que le centième de l’angle d’envahissement – beaucoup plus simple cette fois :

FDF = φD / 90

φD étant l’angle d’envahissement (en degrés).

Les bateaux incoulables bénéficient d’un bonus de 20% de FDF, à condition que GZ90 (bras de levier de redressement à 90°) soit positif quand le bateau est entièrement envahi (c’est ce qui « remplace » le fameux bonus de 5 points de STIX).

Les monocoques IMOCA, des dragsters qui font un peu peur parfois. ©Guilain Grenier/Groupe Bel

(2) Un exemple : dans la dernière mouture de la jauge IMOCA (section D, point 6, page 39), le RM max est limité à 32 tm (32 tonnes mètres). Keskeça veut dire ? Il suffit de diviser ce chiffre de 32 par le poids de ces monocoques 60 pieds (disons entre 7 et 8 tonnes, ce sont des données confidentielles…), et on obtient un chiffre entre 4,60 m (pour un bateau de 7 t) et 4 m (pour un bateau de 8 t).

Avec la quille basculante, le centre de gravité du bateau se décale au vent, tandis qu’avec la carène très large, le centre de carène se décale sous le vent. Mais si l’on veut rester dans la jauge, la distance horizontale entre le centre de gravité et le centre de carène (bras de levier de redressement) ne peut excéder 4,60 m pour un bateau de 7 t et 4 m pour un bateau de 8 t.

Les architectes doivent donc se débrouiller avec les différents paramètres (largeur à la flottaison, angle de basculement de la quille, déplacement du bateau et poids du lest) pour que le RM max ne dépasse pas 32 tm. S’ils font un bateau plus léger, ils peuvent augmenter le bras de levier de redressement ; à l’inverse, si le bateau est plus lourd, il faudra se calmer sur le bras de levier. S’ils augmentent le rapport de lest, ils devront se calmer sur l’angle de basculement de la quille… etc.

Chaque fois que vous modifiez un paramètre, vous faites bouger tous les autres, et il faut tout reconsidérer. Il s’agissait bien sûr de limiter la course à la puissance, tout en conservant l’esprit de la course « open » et la créativité qui va avec (rappelons que par ailleurs le tirant d’eau est limité à 4,50 m et le tirant d’air à 29 m, alors que la largeur à la flottaison, l’angle de basculement de la quille, le déplacement et le lest sont libres). Au fait, 32 tm, c’est carrément monstrueux, certes, pour un monocoque, mais ce n’est encore pas grand-chose au prix des 110 tm du maxi-trimaran Sodebo. Et je ne vous parle même pas du maxi-trimaran Banque Populaire 5

(3) De même qu’en mécanique des fluides on la décompose en portance (perpendiculaire à la direction du vent) et traînée (même direction et même sens que le vent).

(4) C’est d’ailleurs pourquoi un bon foc de brise ne pas doit être trop élancé, même si c’est pénalisant en terme de finesse (rapport portance/traînée) et donc en terme de rapport entre la composante propulsive et la composante de gîte. Ce qu’on gagne d’un côté (finesse), on le perd de l’autre (moment du couple de chavirage). Il y a un bon dosage à trouver…

(5) En théorie, ces remarques sont valables aussi pour le centre de dérive : à surface égale, plus le plan antidérive est élancé (profond), plus le bras de levier (et donc le moment) du couple de chavirage est important, et plus le bateau gîte… Sauf que :

-Là encore, la finesse vaut de l’or ;

-Les choses se jouent sur une hauteur bien plus réduite ;

-Et cette fois, un élancement plus important permet aussi d’abaisser le centre de gravité.

N’empêche que le facteur FWM, dans la formule du STIX, prend en compte la position du centre de dérive…

(6) Utile par exemple pour savoir dans quelle mesure le spi asymétrique est une bonne option.

(7) Il y a une dizaine d’années, nos confrères de Bateaux avaient nourri des ambitions qui tendaient plus ou moins vers ce but. L’expérience avait tourné court, pour des raisons très diverses, moyennant quoi il est aujourd’hui bien difficile de tirer un bilan de cette expérience.

(8) A noter qu’il en va différemment pour les radeaux de survie, qui doivent nécessairement être à la norme Marine marchande française (MMF), laquelle impose de passer sous les fourches caudines du Bureau Véritas, à l’exclusion de tout autre organisme.

(9) Justement, il y a là un vrai problème. Comment admettre que de grands groupes industriels, parfois leaders mondiaux, ne soient pas capables de trouver, ou de financer, une grue – et même une grosse grue ?

Publié par Sébastien Mainguet
Sébastien a œuvré à Voile Magazine de 2000 à 2015, aux essais mais aussi très souvent aux sujets équipement dont il s’est fait le spécialiste. Il a notamment été longtemps la cheville ouvrière de notre hors-série annuel dédié à l’équipement.
Voir les commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *